Intérêts des enfants ou intérêts des adultes ?

claireleconte Par Le 10/02/2017

Le débat dans la métropole lilloise  sur la place de la 9ème demi-journée scolaire, prend, comme toujours, des allures de défenses d’intérêts personnels. 
On accuse Martine Aubry de ne penser qu’à faire des économies ; faux ! Les représentants de la mairie d’Hellemmes rencontrés hier soir lors d’un conseil d’école ont affirmé que faire classe le mercredi matin coûte moins cher aux communes que de la faire le samedi matin. Ce sont donc les communes qui ont choisi le mercredi matin qu’on peut accuser de vouloir avant tout faire des économies. 


Par ailleurs je ne peux que constater que les parents n’ont absolument plus d’objectivité (ou manquent de connaissances ?) pour raisonner sur ce qui fatigue leur enfant. D’où l’importance, comme je n’ai cessé de le dire depuis 2012, de donner les connaissances de base sur les besoins des enfants à tous les adultes qui ont une responsabilité éducative auprès d’eux, ce qui, malheureusement, n’a pas été fait ; tout comme me semble-t-il, on n'a pas suffiamment travaillé (via les centres sociaux, entre autres ?) avec les familles éloignées des règles du jeu de l'école, pour les convaincre de l'importance, pour la réussite de leur enfant, de cette cinquième matinée de classe, y compris pour qu'ils puissent rencontrer à ce moment là d'autres parents et échanger avec eux.


Enfin je ne cesse de lire que  de toutes façons, les « chronobiologistes » ne sont pas tous d’accord entre eux, et je tiens à apporter ici la preuve contraire, par les textes. 
Voici un florilège d’interviews de tous ceux qui ont un avis argumenté sur la question : 
Dans les travaux de  Hubert Montagner, depuis le début des années 80, quand le mercredi était totalement libéré, voici ce qu’on lit :
« Le mercredi apparaît comme un jour bénéfique où les jeunes enfants présentent une régularité dans les rythmes biologiques et dans le comportement de communication. La nuit du mardi au mercredi, avec celle du samedi au dimanche, est la plus longue de la semaine grâce à un réveil souvent tardif. Elle permet donc une récupération appréciable. Mais ces conditions sont à revoir si le mercredi est consacré à des activités sportives, artistiques, religieuses. »
    Et le 7 avril 2010, lors d’une interview, voici ce qu’il déclare : 
« Les effets désastreux de la semaine de quatre jours sont particulièrement évidents le lundi. En effet, le matin, la très grande majorité des enfants paraissent « endormis » (peu ou non vigilants, inattentifs et déconnectés de l’environnement). Ils peuvent même être somnolents (il arrive que certains s’endorment s’ils en ont la possibilité). Ils sont souvent agités l’après-midi, et en même temps peu vigilants, peu attentifs et « déconnectés » de l’environnement. Ces phénomènes sont liés aux ruptures du rythme familial et social, aux perturbations du rythme veille-sommeil, à l’empilement des activités imposées au cours des deux jours « libérés » du temps scolaire, aux voyages, aux visites contraintes, à l’augmentation du temps passé devant la télévision, mais aussi à l’insécurité affective qui peut être générée par les tensions, conflits et/ou agressions au sein du milieu familial après une semaine de travail plus ou moins éprouvante et déstabilisante. Il faut ajouter les temps d’insécurité affective (parfois d’insécurité physique) dans la rue et dans le(s) groupe(s) de pairs lorsque les enfants ne peuvent être accueillis dans un milieu apaisé, rassurant et sécurisant. Le lundi, les effets désastreux de la semaine de quatre jours (fatigue, épuisement, stress, démotivation, insécurité affective, « désamour » pour l’école et rejet de celle-ci) sont particulièrement évidents chez les enfants en difficulté. L’après-midi, ils sont également peu vigilants, attentifs, réceptifs, disponibles et motivés, parfois pas du tout. En fait, c’est ce qu’on observe tous les jours dès la fin de la matinée chez ceux qui cumulent des difficultés personnelles, familiales et sociales, en particulier dans les écoles des banlieues réputées « difficiles » ou « sensibles ». En outre, ces enfants se caractérisent le plus souvent par des déficits cumulés de sommeil, des perturbations du rythme veille-sommeil (ils se réveillent pendant la nuit) et une grande insécurité affective ».
En 2010 l’insécurité affective, selon Hubert Montagner,  était la conséquence de la libération du samedi matin de la classe.
Quand on l’interroge sur les solutions possibles pour améliorer les choses, en voici une : 
« Il faut revenir à une semaine de quatre jours et demi, avec le mercredi matin scolarisé puisqu’il est quasiment impossible de revenir au samedi matin à cause de l’adhésion de la très grande majorité des personnes au week-end « libéré » ... même si on peut le regretter en raison des rencontres apaisées et des écoutes mutuelles qu’il autorisait entre les enseignants et les parents. »
On lit clairement ici que le mercredi scolarisé est un choix par défaut et non pas pour l’intérêt de l’enfant.


    Guy Vermeil, pédiatre réputé,  disait en 1991 : « Cela signifie que je suis partisan d'une semaine continue de six jours et que je suis ennemi des week‑ends prolongés et des coupures au milieu de la semaine. Je crois, qu'en ce qui concerne le samedi, la pression va se faire de plus en plus forte et qu'on en viendra à la semaine de cinq jours, du lundi au vendredi, comme en Angleterre et dans les pays d'Amérique.  Je le regrette. »


    Le 1er Juin 2012, sur NousVousIls, René Clarisse, chronopsychologue à l’université de Tours, déclarait : « Sur le plan biologique, l'idéal c'est la semaine de 4,5 jours avec école le samedi matin, ce qui était le cas pour la majorité des enfants avant la rentrée 2008 et la réforme de Xavier Darcos. Le problème avec la semaine de 4 jours c'est la désynchronisation de l'horloge biologique le week-end. Différents travaux ont montré que les enfants sont dans la perspective du week-end dès le jeudi. Ces longs week-ends vont donc s'accompagner, le plus souvent, d'une perte de sommeil qui engendre des phénomènes de fatigue ».


    Le 21 janvier 2013, François Testu, invité par la FCPE 17, répondait à Emmanuelle Chiron : « Sur le choix du mercredi ou du samedi matin, je conseillerai le samedi. »
Le chronobiologiste balaie de la main les arguments d'une nuit de récupération supplémentaire le vendredi soir et des bienfaits de deux jours de coupure pour l'enfant. « Bien au contraire, c'est loin d'être un bienfait, souligne François Testu. Dès le vendredi, l'enfant est aspiré vers le week-end, il perd son attention. Celle-ci, avec une coupure le samedi, ne revient que le mardi après-midi. Cela concerne principalement les enfants qui n'ont aucune activité le week-end ou qui subissent le rythme des adultes. »
La semaine commencerait donc pour les enfants avec très peu de productivité. « La coupure le mercredi n'a pas cet effet-là », appuie le spécialiste.


    Le 4 mars 2013 l’Académie de médecine publie un communiqué de presse. Dans ce communiqué, l’Académie de médecine se déclare en faveur de la semaine de 4,5 jours, sans pour autant que ses préconisations ne recoupent l’ensemble des dispositions prévues par le décret du 24 janvier 2013. Elle déclare notamment que « la demi-journée de travail supplémentaire serait préférable le samedi matin plutôt que le mercredi matin pour éviter la désynchronisation inévitable de l'enfant en début de semaine ».


    Le 3 janvier 2014, dans le Figaro, Yvan Touitou (chronobiologiste réputé) et Pierre Bégué (pédiatre spécialiste des rythmes de l’enfant) sont interviewés. Voici ce qu’ils disent : «  En trente ans, nos enfants ont perdu environ une heure de sommeil par jour ! La semaine de quatre jours, du fait du week-end prolongé, où l'enfant a tendance à se coucher tard deux soirs de suite, a favorisé cette désynchronisation et ainsi compromis la vigilance et les performances des deux premiers jours de la semaine. En rétablissant les cours le samedi matin, on permet à l'enfant d'adopter un rythme plus sain, avec des horaires de coucher et de lever réguliers, sachant que c'est pendant le sommeil qu'est sécrétée l'hormone de croissance et que s'opèrent l'apprentissage et la récupération… pour être d'attaque le lendemain en classe! Osons le dire : le samedi matin a été supprimé pour des questions budgétaires mais aussi pour contenter à peine 20 % des familles qui souhaitent profiter de leur week-end ».


    Quant à Philippe Meirieu (ex-directeur d’IUFM), il publie sur le Monde une tribune  dans laquelle il écrit : « Mais pourquoi avoir écarté si vite l'hypothèse du retour du samedi matin ?
On connaît l'argument de la garde alternée et des familles recomposées qui souhaitent pouvoir accueillir les enfants deux jours d'affilée... Mais résiste-t-il bien à l'analyse si l'on avance que, justement, le samedi matin peut être une occasion pour ces familles, comme pour les autres, d'un moment de contact privilégié avec l'école et les enseignants ? " 


    Benoit Hamon, devenu ministre de l’Éducation, avait reconsidéré cette question dans l’écriture de son décret expérimental : dans l’annexe présentant les dispositions pratiques, on lit : « Une commune ou l'EPCI concerné peut demander à expérimenter une organisation hebdomadaire du temps scolaire comprenant par exemple huit demi-journées d’enseignement avec cinq matinées réparties sur cinq jours, dont le mercredi ou samedi matin ». Le samedi n’est plus dérogatoire comme il l’était dans le décret Peillon.
Lors de son audition par la Mission Commune d’information sur les rythmes scolaires du mercredi 30 avril 2014, Benoit Hamon se prête à un échange significatif : 
Mme Troendlé, présidente : « Si d'aventure, comme beaucoup de maires le souhaitent, c'est le mercredi matin qui est choisi pour la demi-journée supplémentaire, les enfants peuvent ne plus avoir cours à partir du vendredi midi, alors que tous les chronobiologistes semblent dire que le samedi matin serait préférable ». 
Benoit Hamon s’exprime à ce propos : « Contrairement à ce que j'ai dit tout à l'heure, le texte ne prévoit pas forcément cinq matinées successives : ce peut être également le samedi matin, l'optimum étant de respecter les heures de lever, mais aussi d'éviter que les temps de rupture de la semaine ne soient trop importants, pour les élèves comme pour les professeurs. Plus la rupture est grande, plus le temps nécessaire pour redémarrer peut en effet apparaître long, la désynchronisation pouvant nuire à la concentration nécessaire à l'apprentissage ».
Et en conclusion, « Enfin, Madame la Présidente, je vous ai dit ma préférence concernant le week-end ».


Dans le rapport de cette mission commune d’information du Sénat, Mme Gonthier-Maurin, soutenue par M. Jacques Legendre, déclare : « J'entends les discours des parents ; nous n'avons peut-être pas assez relevé le débat sur l'intérêt à préférer les cours le samedi matin... »
    Notons ici que le 17 mai 2012 le nouveau ministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon, avait annoncé sur France Inter le retour à la semaine de 5 jours dans le primaire pour la rentrée 2013.
« Ce n'est pas le plus simple, mais nous le ferons », a déclaré le ministre, en indiquant qu'il laisserait aux collectivités locales le choix du mercredi ou du samedi matin pour cette demi-journée supplémentaire. Une décision qui devrait ravir la mission de l'Assemblée nationale et de l'Académie de médecine ». 

Alors s’il vous plait, un peu d’honnêteté dans ce débat, c’est un collectif de parents, qui a lancé un questionnaire auquel 20% des parents ont répondu à 76% vouloir aller vers le mercredi matin de classe, et qui veut faire croire que c’est avant tout dans l’intérêt de l’enfant, ceci contre tous les avis contraires de spécialistes concernés par ce débat.

Qu’on l’affiche, qu’on constate qu’une fois ce débat ouvert, beaucoup d’adultes, parents comme enseignants mais aussi certains élus, y trouvent leur compte, exactement comme ce fut le cas quand Darcos a décidé d’un revers de main de supprimer le samedi matin de classe, mais de grâce, soyez assertifs, reconnaissez le et ne clamez surtout pas que c’est « dans l’intérêt de l’enfant » !