Les rythmes, conférence IUF 2015 - 1ère partie

claireleconte Par Le 19/09/2017

Les rythmes, quels rythmes ?
Mieux se connaître pour plus de bien-être
Claire Leconte – Professeur Honoraire de Psychologie
Université de Lille 3
Montpellier – Journées de l’IUF 2015 – Les Rythmes

Avant de commencer
Un clin d’œil à la soirée conviviale d’hier soir !
Le rythme de croissance de la morue varie selon les secteurs. Des différences de taux de croissance annuelle sont dues à l’importance des populations, à la température de l’eau ou encore à la disponibilité de la nourriture.
Et maintenant apprenons à mieux nous connaître par rapport à nos propres rythmes
Moi-même, qui suis-je ? 
J’ai commencé ma carrière professionnelle comme Professeur de Maths et de SVT en collège rural, ce qui, à la fois, m’a fait m’intéresser à la biologie, mais m’a aussi beaucoup fait m’interroger ce qu’on imposait, du point de vue temporel, aux collégiens dont une partie d’entre eux devaient subir le transport scolaire. 
Ayant repris des études de psychologie jusqu’à l’obtention du titre de psychologue, j’ai exercé comme Psychologue en PMI, ce qui m’a fait toucher de près les problématiques des plus jeunes enfants, du nourrisson à l’enfant de 6 ans. 
Inscrite en doctorat, j’ai eu la chance d’intégrer une équipe de recherche en train de se construire à l’UFR de psychologie de l’Université de Lille 3, qui ouvrait un laboratoire du sommeil : son responsable venait du CNRS, avait travaillé sur les liens entre sommeil et apprentissages chez le rat, il voulait, devenu professeur de psychologie, prolonger ses travaux chez l’homme. Nous avons ainsi pendant une dizaine d’années mené ces recherches avec les étudiants que nous avions (nombreux !) et qui étaient  facilement volontaires pour participer à ces nuits dans notre laboratoire. Nous avons malheureusement dû mettre la clé sous la porte lors de la parution de la loi Huriet, qui décrétait que les recherches invasives chez l’homme (les nôtres étaient ainsi considérées puisque nous utilisions l’électroencéphalographie), devaient se faire sous la responsabilité d’un médecin et en présence proche d’un pompier ! Difficile de continuer dans ces conditions dans une université de Lettres et Sciences Humaines, dans laquelle nous avions été traités de « meumeuh » par les personnels du service intérieur parce que nous leur avions demandé, à l’époque, d’installer des prises de terre dans notre laboratoire. De ce fait nos recherches chez l’homme ont pris une autre orientation puisque nous avons travaillé en collaboration avec le CHR de Lille et son équipe Sommeil, mais nous n’avions plus de jeunes adultes tout-venant, uniquement des personnes présentant des toubles du sommeiL 
Pour mon doctorat, j’ai pu travailler au CHR de Lille, dans le service d’accueil des grands prématurés, où j’ai pu étudier les effets d’un aménagement de l’environnement de vie de ces bébés sur le développement de leur rythme veille-sommeil. Ce fut une expérience fort enrichissante, qui à la fois m’a permis de devenir enseignant-chercheur, puis m’a conduite à travailler sur ce thème avec des enfants plus grands, à la demande de nombre de responsables d’établissements scolaires. 
Toutes ces recherches ont pu être menées grâce à des contrats, passés tant avec un laboratoire pharmaceutique qu’avec l’armée, le conseil régional mais aussi les ministères Jeunesse et Sports et Éducation nationale, mon premier contrat ayant été obtenu en 1984. 
Sans compter qu’ayant une grande famille, j’ai été militante active dans une Fédération de parents d’élèves pendant 30 ans sans discontinuité, délai entre l’entrée à l’école de notre premier enfant et sortie de l’école de notre dernière. 
Enfin mes plus de 30 ans d’expériences de terrain ont été confortées par les milliers de rencontres que j’ai faites lors des 500 interventions réalisées ces dernières années.

Qu’est-ce qu’un rythme biologique ?
Le monde dans lequel nous vivons est un monde rythmique : Succession des jours et des nuits, des saisons, etc..; Ce caractère rythmique des processus naturels se retrouve dans notre organisme. Il semble que ce soit l’adaptation à ces phénomènes rythmiques naturels qui soit à l’origine de la création des rythmes biologiques quand la Vie est apparue sur Terre. 
De fait le rythme est une propriété de la Vie, tous les êtres vivants possèdent des rythmes biologiques, de l’algue unicellulaire à l’Homme, du gène à l’écosystème. 
Un phénomène est dit rythmé quand il se reproduit à l’identique en fonction d’une certaine périodicité.
Point de vue terminologique :
Rhythmus est un  terme latin repris du grec rhutmos qui signifie « Mouvement, battement régulier, mesure, cadence ». Pour Alain Rey (2000, 1) : « on serait passé du sens de rhutmos, (« arrangement des parties dans l’espace ») à une notion temporelle retrouvée dans les textes de Platon ».
Que dit Platon ? dans les Lois, 665a, (2) : « Nous avons dit (…) que de son naturel, la jeunesse est bouillante, incapable de rester tranquille, de se retenir aussi bien que de parler : qu’elle est bavarde et gambade sans arrêt d’une façon désordonnée ; mais que chez elle il y a un sens de l’ordre que peuvent, de part  et d’autre, comporter ces actes, tandis qu’aucun des autres animaux n’y atteint jamais : c’est un privilège que la nature humaine est seule à posséder : que cet ordre dans les mouvements a précisément reçu le nom de rythme ». La Jeunesse de 2015 est-elle fort différente de celle de l’époque de Platon ?
Les premières études
Le botaniste et astronome français Jean-Jacques d’Ortous de Mairan est le premier, en 1729, à constater que les feuilles d’une plante héliotrope qu’il étudie suivent un cycle ouverture-fermeture de 24h même si on les met en obscurité constante. 
Il fait alors l’hypothèse d’existence d’une horloge propre à la plante générant ces cycles, ce qui conduisit le botaniste suédois Carl Von Linnaeus à imaginer une horloge florale en remarquant que certaines fleurs ouvrent et referment leur corolle à des heures régulières de la journée.

Horloge florale 2017 09 19 a 17 01 42 1

 Voir le site de Michel Lalos

 

L’usage du terme évolue
En 1765 il est utilisé en médecine pour évoquer la cadence présentée par les mouvements du sang dans les artères ; en 1845, il concerne toute espèce de mouvements proportionnés que comprend la vie organique
Pourtant au 6è siècle av JC, le « Vieux Maître Chinois » Lao-Zi (-570 à -490 av JC), enseignait déjà les « techniques de Longue Vie » comportant le respect des rythmes ! (3)

Historique de l’évolution des connaissances
Théophraste (4è S. av JC), (4) écrit : « Androsthène a constaté : À Tylos croît un arbre dont la fleur a de nombreux pétales, comme la rose : cette fleur, dit-on, reste close pendant la nuit, s’ouvre au lever du soleil, elle est à midi complètement épanouie, puis l’après-midi se referme peu à peu pour, de nouveau, rester close pendant la nuit : et même les indigènes disent qu’elle dort » !
Hippocrate signale les variations saisonnières des maladies, Aristote, puis Pline l’Ancien valident l’existence de rythmes chez les animaux marins, étude de l’hibernation. Diogène quant à lui, reconnaît que le cadran solaire est une belle invention pour l’heure des repas (Le premier cadran solaire date de 550 avant J.C.). Les Grecs respectaient le dieu Chronos, personnification du temps. Morphée quant à lui est le dieu des rêves, il est le fils de Hypnos, dieu du sommeil et de Nyx, déesse de la nuit.
Klein (cité par Sainte Marie, 2008, p. 7 (20)), note que l’un des témoignages les plus précoces de cette connaissance préscientifique nous est fourni par les hiéroglyphes égyptiens : « Sur l’une des parois de la tombe de Toutankhamon, pharaon de la XVIIIe dynastie (…), vingt-quatre babouins sont représentés, qui figurent la ronde des heures. Les anciens égyptiens avaient en effet remarqué que cet animal avait la particularité d’uriner toutes les heures. Ils prirent donc sa vessie pour une pendule » (Klein, 2003 : 22-23).

Ces connaissances ont-elles été ignorées ou sont-elles oubliées (3) ?
La Philosophie orientale a toujours vu le temps comme un mouvement périodique, hélicoïdal et les Médecines traditionnelles chinoises et indiennes conçoivent les fonctions humaines comme variant de façon rythmique.
La philosophie occidentale au contraire a étudié le temps selon un système linéaire, possible à représenter par la Flèche du temps, le Passé -> le Présent -> l’Avenir. 
Après les premières études descriptives de d’Ortous de Mairan, les études deviennent expérimentales. 
En 1814, Joseph-Julien Virey, pharmacien de formation, soutient une thèse de médecine consacrée aux rythmes biologiques. Il défend l’hypothèse que ces rythmes ont un caractère inné, qu’ils sont contrôlés par des « horloges vivantes » elles-mêmes « entraînées » par les variations périodiques de l’environnement comme l’alternance jour/nuit. 
Dès cette époque il en vint à penser que les effets des médicaments varient en fonction de l’heure d’administration, ce qui le place très en avance sur son temps puisque ce n’est que 150 ans plus tard que Scheving mit en évidence le rythme circadien du pentobarbital  chez le rat.
Pourquoi connaissances ignorées ?
À la fin du 19è siècle ont lieu des changements sociétaux particulièrement importants : la révolution industrielle et l’obligation d’instruction scolaire pour tous les enfants. 
Ces changements impriment dans les familles des modifications constatables dans leurs rythmes de vie : les agriculteurs, habitués à vivre aux rythmes de la nature deviennent non seulement ouvriers, avec des horaires imposés, mais de plus ouvriers à horaires décalés. L’industrialisation se caractérise par la productivité qui elle-même impose qu’on ne perde pas de temps : les machines dans les entreprises doivent fonctionner en permanence, on invente ainsi le travail de nuit et le travail « posté » ! 
Quant aux enfants, obligés dès 6 ans de suivre l’instruction scolaire, ce qui se fait, dans la majorité des cas, à l’école, se voient imposés des horaires de début et de fin de journée, avec obligation de rester assis de nombreuses heures, auxquels s’ajoute l’obligation de faire chaque jour des devoirs à la sortie de l’école mais aussi d’apporter les aides manuelles indispensables à la ferme qui est leur lieu de vie. 
Les changements constatés dans les rythmes de vie des adultes comme des enfants génèrent de nouvelles pathologies : grande fatigabilité, états dépressifs, pertes d’attention et de mémoire, irritabilité. Nombreuses sont les publications qui paraissent alors, pourtant aucun rapport n’est fait avec le problème des rythmes par les médecins.  
Alors même que dès 1907, (5), les psychologues Toulouse et Piéron s’interrogent sur le rythme nycthéméral.
L’étude expérimentale des mécanismes se poursuit. En 1914 Von Frisch montre que les abeilles « apprennent » l’heure à laquelle elles seront nourries : elles disposent donc d’une horloge interne. En 1935 Bünning, à partir de croisement de mutants de haricots, suggère que la rythmicité a une origine génétique. => « Horloge biologique », en 1952,  Pittendrigh étudie le rythme d’éclosion de la drosophile et publie en 1960 le 1er article établissant les caractéristiques universelles de l’horloge dite « circadienne ». La Chronobiologie est née
Jürgen Aschoff, Erwin Büning et leurs premiers travaux sur les plantes, Colin Pittendrigh, avec ses travaux sur les rythmes circadiens des oiseaux et des souris, sont tous trois considérés comme les fondateurs de ce qui deviendra la chronobiologie.

Les expériences princeps
Franz Halberg est le fondateur de la chronobiologie américaine. Chercheur à l’université du Minnesota, il publie le premier un ouvrage de synthèse : Introduction to Chronobiology. En 1959, il invente le terme circadien, et étudie l’influence de l’heure d’administration des médicaments. 
Les expériences dites « hors du temps » se développent alors parallèlement en France (Michel Siffre, 1962) et en Allemagne (Jürgen Aschoff et Rüger Wever, 1962).
Les recherches Françaises
Dès 1953, Reinberg et Ghata implorent qu’on prenne en considération la dimension temporelle dans toutes les sciences de la Vie dont la médecine, en 1957 ils publient la 1ère édition de « Rythmes et cycles biologiques ». (6) =>
L’activité rythmique est une propriété fondamentale de la matière vivante
La Chronobiologie française est née
C’est une nouvelle science reconnue par l’Académie des Sciences en France. Elle devient rapidement  une science internationale (USA, Angleterre, Allemagne, Autriche, Israël..).
L’homéostasie développée par Cannon, n’est plus seule à expliquer le fonctionnement biologique des organismes vivants.
La chronobiologie autorise une triple étude : les relations entre rythmes biologiques et homéostasie, l’adaptation des êtres vivants aux variations de l’environnement, la possibilité d’anticipation aux variations de l’environnement. 

Que sont les rythmes biologiques ?
C’est une suite de variations physiologiques statistiquement significatives, déterminant en fonction du temps des oscillations de forme reproductible. C’est un phénomène périodique, prévisible puisqu’il réapparaît identique à lui-même, d’où la possibilité d’anticiper sur les variations connues de l’environnement. Les résultats collectés peuvent être présentés sous forme de courbes appelées chronogrammes.
Aspects importants des rythmes
La plupart ont un caractère endogène, héréditaire, prépondérant, facteur expliquant les différences interindividuelles reconnues. Seuls les jumeaux monozygotes ont les mêmes rythmes. 
Quatre paramètres caractérisent les rythmes : 
La période (τ), qui représente la durée d’un cycle, c’est l’intervalle de temps séparant l’apparition d’un phénomène et à sa réapparition à l’identique un  cycle plus tard. La fréquence d’apparition des phénomènes sur un temps donné est l’inverse de la période (f = 1/ τ)
Le Mésor (M), (Midline Estimating Statistic Of Rhythm) est la moyenne arithmétique des mesures de la variable étudiée qui permet, par exemple,  de connaître la valeur moyenne des concentrations sur une période donnée. 
La phase (ϕ), se définit comme la valeur de la variable étudiée à un moment donné. 
L’acrophase encore appelée pic ou zénith est la position de la plus haute valeur de la variable mesurée dans l’échelle du temps, pour la période considérée en fonction d’une référence temporelle.  
La batyphase encore appelée creux ou nadir est la Valeur Minimale
L’ Amplitude (Λ), représente la différence de concentration entre une valeur repère (comme le Mésor par exemple) et la valeur maximale ou minimale. Elle permet de connaître la variabilité totale de la variable mesurée sur la période considérée. 

Fig. 1 Les différents paramètres d’une fonction rythmique (d’après Touitou et Haus, 1994) 7

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Un événement X est-il ou non rythmé ?
Pour répondre à cette question, il est nécessaire de recueillir un nombre important de données, à divers moments aléatoires du nycthémère, de comparer la courbe obtenue avec une sinusoïde grâce au programme mathématique développé par Halberg, le cosinor. (8)  (la formule est la suivante :   Y (t) = M + A Cos (ω t + Φ) (t est le temps; ω est la fréquence angulaire = 2 π / τ )).
Si trop peu de données ont été recueillies, cela ne permet pas d’obtenir une courbe continue, et donc de vérifier la concordance avec une sinusoïde. De même il ne faut pas, dans le recueil de données, construire artificiellement une période qui simulerait alors un rythme n’existant pas, il faut donc faire des ponctions au cours du temps avec une variabilité tout à fait aléatoire.
Il nous semble important de faire ce rappel pour qu’on comprenne que toutes les activités humaines dont l’efficience varie au cours du temps doivent répondre à cette condition pour qu’on puisse les considérer comme « rythmées ». Or on ne peut ignorer que la plupart des activités psychologiques étudiées chez l’humain du point de vue de leur modification au cours du temps (activités attentionnelles, mnésiques entre autres) sont avant tout soumises à des effets difficiles à contrôler, comme ceux de l’apprentissage ou au contraire de la démobilisation par ennui : il est donc bien difficile d’en recueillir des données répétées en continu comme on peut le faire pour la température centrale ou des analyses d’urine ou de salive. 
C’est aussi la raison pour laquelle la plupart des travaux connus en chronobiologie ont été réalisés chez l’adulte, éventuellement le jeune adulte, car aucune mesure n’a jamais pu être faite chez les enfants permettant de suivre une courbe sur 24 heures, moins encore sur plusieurs mois,  de quelqu’indice que ce soit : il est très difficile de faire accepter un suivi sur plusieurs fois 24h, chez des enfants tout venant, nécessitant un relevé important de mesures soit de la salive, soit de prises de sang ou encore d’urine.  

Le classement des rythmes humains
Ce classement se fait en fonction de la fréquence d’apparition des phénomènes étudiés. (inverse de leur période). 
•    Les rythmes circadiens ont une période comprise entre 20h et 28h, qui correspond à la durée du nycthémère (alternance jour/nuit).Ce sont les plus nombreux et les plus étudiés chez l’Homme. 
Pour la petite histoire, sait-on que la journée n’a pas toujours été de 24h : le Dr Rosemary Mardling  a calculé qu’avant la formation de la lune, la durée d’un jour sur terre n’était que de deux à trois heures. Les études géologiques qui ont pu être menées permettent de déduire que les dinosaures vivant entre 250 millions d’années et 65 millions d’années ont vu le jour terrestre passer de 21h à 23 h ! Pour les personnes patientes, l’auteur prévoit que le ralentissement de la rotation de la terre est de l’ordre de deux millisecondes tous les siècles !
•    Les rythmes infradiens ont une période supérieure à 28h

•    Les rythmes ultradiens, une période inférieure à 20h
Petite remarque, l’Homme se pense souvent supérieur à tout être vivant, pourtant du point de vue des rythmes biologiques, la Nature nous montre sa supériorité : ainsi on connaît une pousse de bambou qui ne fleurit que tous les 15 ans, et des arbres des DOM-TOM qui, eux, ne fleurissent que tous les 25 ans ! Ces végétaux ont donc une rythmicité infradienne de périodicité très très supérieure à 28 h. 

Que doit-on faire pour respecter ses rythmes biologiques ?
C’est respecter la synchronisation des horloges biologiques entre elles quand celles-ci ont la même périodicité. 
Par exemple, pour le rythme circadien c’est respecter la synchronisation d’entre autres quatre horloges circadiennes : celles du rythme activité-repos, du rythme de température centrale, du rythme de l’hormone du stress, le cortisol et du rythme de l’hormone du sommeil, la mélatonine.
Reinberg  a souvent écrit que « toute modification dans la synchronisation d’un sujet est suivie de perturbations et d’altérations plus ou moins importantes ». 
Ce respect nécessite tout d’abord que chacun d’entre nous connaisse suffisamment bien le fonctionnement de ses rythmes, de ses horloges, pour être capable de les synchroniser.
Depuis l’évolution des recherches en chronobiologie, on sait aujourd’hui que tout rythme circadien est fait de deux composantes : la composante exogène, qui dépend des rythmes des facteurs de l’environnement que l’on appelle synchroniseurs (lumière/obscurité essentiellement), et la composante endogène qui elle, correspond à un rythme génétiquement programmé, et qui persiste même en l’absence des informations périodiques de l’environnement. 

Rythmes circadiens à synchroniser (voir schéma général ci-dessous)
La première horloge circadienne, celle contrôlant notre rythme activité-repos, met en évidence l’interdépendance constante entre la veille et le sommeil. Une journée qui s’est bien déroulée permettra en principe un sommeil de qualité, à l’inverse une journée remplie de stress, de tracas en tous genres risque fort de nous empêcher de bien dormir. Quant à une nuit blanche, quelle qu’en soient les raisons, ne nous permettra pas d’atteindre aussi vite notre meilleur niveau d’efficacité qu’une nuit calme. 
Le cycle activité-repos de tous les mammifères est généré par une horloge biologique située dans le cerveau, à un emplacement très particulier, puisque derrière les yeux, et constituée de plusieurs gènes spécifiques de la rythmicité : cette horloge se trouve au niveau d’un amas de neurones situé au-dessus du croisement de nos nerfs optiques (encore appelé chiasma optique), soient les Noyaux Supra-Chiasmatiques (NSC), eux-mêmes situés dans une glande importante, l’hypothalamus, qui régule de nombreux phénomènes cycliques de l’organisme comme la faim, la soif, les règles, la température. Cet emplacement idéal des NSC autorise cette horloge à demeurer synchronisée avec l’alternance du jour et de la nuit et ce grâce au travail de cellules rétiniennes spécialisées (au niveau des yeux) aujourd’hui connu.
Cet entraînement lumineux quotidien est indispensable puisqu’il permet à l’horloge centrale de chaque individu de suivre précisément l’alternance du jour et de la nuit : en effet les différences inter-individuelles relatives aux rythmes circadiens, dont certaines apparaissent très tôt dans le développement de l’individu puis se confirment et se développent au moment de la puberté, ont mis à jour qu’une petite partie de la population adulte possède un rythme circadien dont la période n’est que de 20h alors qu’une autre petite partie de cette population a un rythme circadien dont la période est de 28 h ! Les médecins du travail ne connaissent pas forcément le rythme des salariés de la santé desquels ils sont responsables alors qu’on sait fort bien qu’une personne possédant un rythme court (20 ou 21 h de période) ne peut que très mal supporter le fait d’avoir à vivre chaque jour sur 24h ! 
Cette horloge principale coordonne l’activité de nombreuses horloges situées dans différents tissus périphériques qui possèdent leur propre fonctionnement rythmé, telles que en particulier la température centrale et le niveau de diverses hormones : elle joue pour toutes ces horloges le rôle d’un chef d’orchestre d’autant plus qu’elle est directement connectée à la structure qui sécrète l’hormone du sommeil. C’est donc la synchronisation de l’ensemble de ces horloges, dont l’une, très sensible à l’environnement, se dérègle rapidement en l’absence de synchroniseurs, les autres au contraire, peu dépendantes de l’environnement, régulent le rythme de la température centrale ainsi que de la sécrétion de molécules intervenant dans l’éveil et le sommeil, qui permet d’affirmer que les rythmes biologiques sont respectés. 

a. L’alternance activité-repos, ou veille-sommeil, est marquée par une succession d’états physiologiques faisant passer l’individu du sommeil très profond à l’hyperexcitation au cours des 24 heures. Entre ces états extrêmes, nous passons par l’état de vigilance physiologique, responsable de notre bon niveau d’attention, de concentration, nous savons que cet état va passer au cours des 24h par deux moments où son niveau sera au plus bas et correspondra à des niveaux de somnolence importants, pic de somnolence en pleine nuit, entre 0h et 3h du matin, et 12 h plus tard, en début d’après-midi, au moment appelé le creux méridien, de manière un peu moins marquée. Ces deux creux de vigilance sont inter-âges et inter-culturels, on les retrouve aussi bien sous l’équateur qu’en Amérique du Nord. 

b. L’autre horloge circadienne importante concerne notre température centrale, qui ne varie pas uniquement quand nous sommes malades et fiévreux. Celle-ci est au plus bas niveau au milieu de la nuit (moment où on risque de se réveiller parce qu’on a froid et qu’on constate qu’on a perdu notre couette), elle va commencer à remonter environ 1h30 avant le déclenchement de NOTRE horloge d’éveil spontané (attention, elle peut être très différente de l’heure à laquelle on fait sonner notre réveil pour ne pas être en retard au boulot !). Puis elle va atteindre un plateau qui va perdurer tout au long de la journée, en parvenant même, chez les adultes, à son pic en fin d’après-midi. Néanmoins, elle connaît chez tous, enfants, adolescents et adultes, une baisse en début d’après-midi au moment qu’on appelle le Creux méridien, qui correspond au milieu de notre rythme circadien. Cette baisse de température est concomitante d’une baisse de notre vigilance physiologique. 
En fin de journée, à un horaire régulier, notre température baisse suffisamment substantiellement pour qu’on le ressente : c’est alors le « frisson » ressenti en fin de journée, dont bien peu se préoccupent car la plupart sont alors occupés par des activités soit très intéressantes soit incontournables (on ne va pas louper la fin du film parce qu’on a eu un coup de froid !), alors même que cette baisse de température est un des principaux déterminants des « portes du sommeil » ; l’envie de dormir à ce moment là correspond en fait à un refroidissement du cerveau. Souvent c’est quelques temps plus tard qu’on décide d’aller se coucher, on est alors étonnés de constater qu’auparavant nous baillions, nous avions envie de nous endormir, et maintenant nous nous sentons frais comme un gardon et avons beaucoup de mal à nous déconnecter : normal, on a loupé l’heure de l’endormissement ! C’est vraiment quelque chose qui doit être dit et répété, chez les enfants et les adolescents, pour qu’eux aussi apprennent à respecter leurs besoins

c. Troisième horloge circadienne, celle de l’hormone du stress, le Cortisol. Celui-ci n’est pratiquement plus secrété en milieu de nuit, son niveau augmente rapidement ensuite pour atteindre son pic, son acrophase, juste avant notre éveil spontané. C’est semble-t-il l’atteinte de ce pic qui déclenche justement cet éveil. On a pu constater que, dans la population générale, ce pic est atteint entre 6 et 9 h du matin, ce qui signifie que selon les individus, l’horloge d’éveil spontané oscille entre 6 et 9h du matin. 
La valeur du cortisol reste élevée tout au long de la matinée, mais elle connaît une baisse au moment du creux méridien, puis continue de baisser doucement tout au long de l’après-midi puis fortement dès que le sommeil apparaît en fin de journée. 

d. Quatrième horloge jouant un rôle conséquent dans le maintien de notre rythme circadien, une hormone, souvent dite Hormone du Sommeil, la Mélatonine. 
Sa synthèse est totalement inhibée au moment de notre éveil spontané, en revanche elle augmente au moment du creux méridien après lequel elle s’interrompt à nouveau, pour redémarrer en fin de journée, ce qui produit la baisse de température centrale. 
Beaucoup de recherches nouvelles s’intéressent au rôle de la mélatonine, car elle apparaît aujourd’hui être une hormone ayant de nombreux bienfaits, à tous les stades de la santé et du bien-être, y compris chez certains enfants porteurs de pathologies comme les troubles autistiques. 

C’est donc une hormone fondamentale dont le rôle principal est de réguler les cycles circadiens tant chez tous les mammifères que chez certains animaux complexes. La mélatonine est synthétisée par l’épiphyse (ou glande pinéale, appelée par Descartes le siège de l’âme ou 3ème œil) avec une caractéristique qui lui est propre, à savoir que cette synthèse est dépendante de la luminosité ambiante.  Il existe une boucle de fonctionnement entre les NSC et l’épiphyse, la synthèse cyclique de l’hormone mélatonine est dépendante des signaux des NSC. La synthèse s’interrompt au moment de l’éveil spontané, avec la luminosité du jour qui inhibe l’activité de la glande pinéale. À la tombée du jour, quand la rétine des yeux ne capte plus de lumière, les NSC ne sont plus activés, l’hormone mélatonine commence à être produite par la glande pinéale. Dès que le niveau de mélatonine s’élève dans le sang, la température corporelle commence à baisser. 
Par ailleurs, la mélatonine est synthétisée à partir de la sérotonine qui est elle-même produite grâce à l’arrivée dans le cerveau d’un acide aminé présent dans certains aliments, le tryptophane. Ce qui faisait dire aux grands parents d’antan que prendre un verre de lait chaud sucré de miel le soir permettait d’améliorer l’endormissement ! car le tryptophane se trouve en quantité dans le lait et le miel l’aide à atteindre le système nerveux pour s’y transformer en sérotonine. La recette est toujours valable pour tous ceux qui ne souffrent pas d’intolérance au lactose, si non le parmesan, le persil, le soja, la morue, les œufs, les légumineuses entre autres sont aussi riches en tryptophane. Toutefois on sait aujourd’hui que le tryptophane joue au mieux son rôle sur la qualité de notre endormissement si les aliments le contenant sont ingérés 6 à 8 heures avant cet endormissement.

Comme on peut ainsi le constater, nous observons un lien fort entre 4 systèmes considérés comme des horloges circadiennes, à savoir l’activité-repos dont dépend la vigilance physiologique, la température centrale, la sécrétion du cortisol et la synthèse de la mélatonine. Or cette synchronisation entre ces 4 horloges doit être respectée pour permettre à l’endormissement de se réaliser au bon moment  ce qui permettra alors à l’éveil spontané de se dérouler dans de bonnes conditions. 
Toute la régulation circadienne de toutes les fonctions biologiques se fait ainsi grâce aux messages, directs entre les NSC et les différentes régions cérébrales spécialisées dans les fonctions comme la faim, le sommeil, la température corporelle, ou indirects à d’autres structures de l’organisme plus éloignées des NSC par la production cyclique d’hormones.
Signalons encore qu’existent à la fin de l’adolescence, des différences interindividuelles qui vont influencer différemment les rythmes de chacun. Ainsi en est-il d’une typologie permettant de savoir si l’individu est vespéral (chouette ou hibou) ou matinal (coq) ou intermédiaire. Les sujets matinaux ont une vigilance, des performances psychiques, sensorielles et motrices maximales au réveil. Elles décroissent ensuite progressivement pour conduire au sommeil. Pour les sujets vespéraux, le réveil s'accompagne d'une élévation modérée de la vigilance. Les performances augmentent ensuite tout au long du jour pour culminer dans les heures qui précèdent le sommeil.
Enfin, et il faudra y penser avant de modifier nos horaires de coucher, comme l’a souvent écrit entre autres Touitou, le rythme veille-sommeil est recalé en environ 2-3 jours alors que celui du cortisol l’est en 3 semaines

De synchronisation 2017 09 19 a 17 07 26

fig. 2 Désynchronisation de l’horloge interne, lumière et mélatonine
Bull. Acad. Natle Méd., 2011, 195, no 7, 1527-1549, séance du 11 octobre 2011
Yvan Touitou

Au réveil, la sécrétion de cortisol augmente la force musculaire, le calibre bronchique et la glycémie, donc l'adaptation à l'effort. Le soir, la sécrétion de mélatonine et la baisse de la température favorisent le sommeil.

Fig. 3 Schéma général du système circadien de repos correspondant aux périodes d’éveil et de sommeil, la vie sociale, auxquels s’ajoute l’heure des repas dans certaines conditions particulières. Les facteurs saisonniers correspondant aux modifications de la température, de l’humidité et de la photopériode jouent également leur rôle dans la synchronisation des organismes. Certains rythmes circadiens sont plus sensibles aux facteurs exogènes que d’autres. Il en est ainsi de la pression sanguine, du diamètre bronchique, de l’hormone de croissance (GH), de la prolactine car, selon la variable, le niveau peut être modifié par les activités physiques et mentales (pression sanguine, diamètre bronchique) ou pendant le sommeil (GH, prolactine). En revanche le rythme circadien de la mélatonine (lorsque le niveau de lumière est contrôlé) et du cortisol plasmatiques dépendent peu des facteurs exogènes, ils ont une composante endogène forte ce qui en fait des marqueurs majeurs de la synchronisation circadienne d’un organisme.

Syste me 2017 09 19 a 17 06 18

fig. 4 Réseau sous-tendant le système circadien.
L’horloge principale des noyaux suprachiasmatiques (SCN) ajuste la phase des horloges secondaires, localisées dans le cerveau et la plupart des organes périphériques, via des signaux nerveux (système nerveux autonome) et hormonaux (mélatonine et glucocorticoïdes). 

 

Re seau 2017 09 19 a 17 05 18

Les rythmes circadiens influencent-ils notre fonctionnement cognitif ?
On connaît les effets du creux méridien dus à la baisse physiologique globale, baisse de vigilance, de température, de cortisol : l’erreur commune est de croire que cette baisse répond à notre besoin de digérer, or que nous ayons ou pas mangé, la baisse sera la même, elle correspond au milieu de notre rythme circadien, d’où le terme Méridien.
Comme l’indique Mathias Pessiglione  « la fatigue, la faim, ou encore la privation de sommeil soient, à elles seules, la source de biais décisionnels importants. En 2011, une étude menée par Shai Danziger (11), de l'université Ben Gourion , en Israël, a livré un exemple très révélateur. Elle a en effet divulgué comment les libérations sur parole accordées par les tribunaux varient au cours de la journée : les jugements favorables diminuent de 65 % à pratiquement zéro avant chaque pause, pour remonter soudainement à 65 % après la pause ». 
C’est bien la raison pour laquelle ce moment particulier de la journée nécessite une pause, un temps de relaxation, quel que soit l’âge de l’individu concerné, mais aussi ce qui fait que la sieste est un moment de grand bénéfice. Chez les plus jeunes elle doit perdurer le temps que l’enfant en aura besoin, plus encore pour l’enfant gros dormeur, qui l’est tout autant à 2 ans qu’à 7, mais elle doit se faire dans de bonnes conditions, temporelles et spatiales : dans un endroit calme et obscurci, immédiatement après la fin du repas de midi, pas après 30 mns d’hyperexcitation. Les plus grands ou les petits dormeurs doivent bénéficier à ce moment là d’un temps de réelle détente, de pause, de relaxation, ce temps est à revaloriser chez les adolescents qui voient souvent dans la sieste « un besoin pour les vieux », alors que d’expériences je peux dire que quand on leur explique son intérêt, ils sont les premiers à dire qu’en fait, on ne leur propose jamais un lieu leur permettant d’avoir ce moment de pause. À bon entendeur, …. ! Il faut encore savoir que les chercheurs ont montré qu’au cours d’une sieste ainsi bien organisée, un travail de mémorisation se fait.

Les rythmes infradiens
Largement étudiés chez l’animal à propos de leur hibernation entre les mois de novembre et de mars, chez l’être humain on les connaît pour la menstruation, la gestation, la reproduction. 
Le premier de ces rythmes, le rythme mensuel,  est féminin, il s’agit de la menstruation, qui a, selon la femme, une période de 28 jours ou de 31 jours par exemple. 
Les recherches scientifiques sur ces rythmes sont moins nombreux qu’ils ne l’ont été, probablement à cause des rythmes de moins en moins naturels étant donnée l’évolution de la contraception chez les femmes depuis les premières études. 
Quoi qu’il en soit, les recherches menées à la pleine époque des expériences sur les rythmes biologiques ont montré que cette horloge joue sur l’ensemble de l’organisme. Expérimentalement par exemple, on a montré qu’au cours du mois, régulièrement, la femme doit faire davantage d’efforts pour obtenir le même niveau de performances dans toutes les activités réclamant beaucoup d’attention, de concentration, de mémorisation. 
En 1993, le professeur Lopes  montrait que certaines femmes ont une humeur cyclique en fonction du cycle menstruel ; il affirmait que les symptômes augmentent pendant la phase lutéale, soit dans la deuxième moitié du cycle. En revanche, il précisait, dans cette étude sur le Symptôme PréMenstruel (SPM), que les femmes sous oestro-progestatifs sont a priori exclues du SPM d’où ma remarque première. Mais pour les femmes connaissant cette cyclicité de leur humeur il est important de leur dire qu’elles n’y peuvent rien puisque c’est leur horloge infradienne qui s’exprime alors que leur environnement peut quant à lui s’adapter. Et désolée pour tous les hommes qui liront ce texte, mais comme eux ne possèdent pas cette horloge infradienne ils n’ont aucune raison scientifique d’avoir des moments de mauvaise humeur réguliers chaque mois ! 
Quoi qu’il en soit, ayant pu tester auprès de toutes jeunes filles nouvellement pubères, sachant que la puberté est depuis quelques années de plus en plus précoce, le fait que leur faire comprendre scientifiquement les mécanismes des rythmes biologiques, dont ceux de cette horloge infradienne, permet de les désangoisser par rapport à tous les changements, qui ne sont pas que physiques, qu’elles constatent depuis l’apparition de leurs règles, je ne peux que confirmer qu’il me semble indispensable que la connaissance des rythmes biologiques par les enfants doit faire partie de toute éducation à la santé, et cela le plus jeune possible, ce que je réalise au sein d’écoles maternelle. 
Chez l’animal il a été montré que ce moment d’hibernation, ou d’hivernation pour les grands mammifères, correspond à un moment de survie pour l’animal.
Et pour nous, en hiver, que se passe-t-il ?
Notre organisme est plus fragile, plus fatigable, le système immunitaire est moins efficient, les défenses et l'immunité sont réduites à la fin de l'hiver c’est en fait la moindre résistance de ce système qui explique qu’on est plus malade l’hiver que l’été ;  le niveau de cortisol est au plus bas (batyphase) chez l’enfant et l’adolescent alors que son acrophase apparaît en été ; l'alimentation, le métabolisme énergétique et le poids, les aptitudes psychomotrices sont diminués en hiver ; notre bien-être psychologique est perturbé par le manque de luminosité (jours plus courts) qui produit chez certains un état de dépression saisonnière. Or on a pu constater qu’1% des enfants environ en souffrent et près de 5% des adolescents. 
Pourtant c’est le 2è trimestre de l’année à l’école, celui où tous les parents et les enseignants en collège et lycée répètent à l’envie aux adolescents « qu’ils doivent en mettre un coup, que c’est un trimestre important pour les notes, etc », alors même que c’est le moment de l’année où ces adolescents sont les plus fatigables. 
Revoyons l’organisation de l’année, il ne serait pas aberrant de faire une pause plus longue au moment des fêtes de Noël et Nouvel An tant tout le monde constate que ce ne sont pas des vacances « reposantes », que la semaine de rentrée n’a évidemment pas l’efficacité attendue d’un retour de vacances ! 
Mais revoyons aussi l’organisation du dernier trimestre, moment favorable au bien-être global étant donnée la météo, mais qui fonctionne comme un vrai gruyère : quinze jours de vacances entourées de longs week-ends ou de ponts multiples et variés faisant des mois d’avril et mai des temps constants de ruptures et reprises ! Bien peu efficaces pour les apprentissages !
À propos des répartitions de vacances dans l’année scolaire, nous sommes le seul pays à imposer tout au long de l’année des petites vacances de deux semaines alors même que c’est la durée propice à provoquer un réel décalage dans les horloges biologiques (couchers tardifs pendant deux semaines), qui nécessitera ensuite près de dix jours pour retrouver « le bon rythme ». Non découper l’année scolaire en 7/2, avec 7 semaines de cours suivies par 2 semaines de vacances, n’est pas une bonne idée pour les enfants. Je ne suis pas la seule à le dire, même si je suis peu entendue, Vermeil, pédiatre respectueux du bien-être des enfants, le disait également en 1991 : « Il faut bien dire, à propos des vacances scolaires actuelles, qu'elles constituent un monument d'aberration. On est parti de l'observation des physiologistes que, pour être efficace, la durée d’une période de vacances doit être de deux semaines au moins lorsqu'il y a changement de lieu, de climat et de mode de vie, parce qu'il faut à l'organisme une huitaine de jours pour s'adapter à ces changements et que, par conséquent, seule la deuxième semaine a un effet réparateur
On en a tiré l'application suivante: essayer de faire alterner régulièrement sept semaines de travail et deux semaines de vacances. Ce système est celui qui convient pour les travailleurs des plates‑formes pétrolières ou les marins au long cours ou toute autre personne que son emploi oblige à passer plusieurs semaines consécutives sur le lieu de son travail, loin de sa famille. Ces circonstances imposent que les victimes d'une telle contrainte puissent la compenser par des vacances fréquentes.
Mais ceci ne concerne pas les enfants français qui, dans leur immense majorité, vivent dans leurs familles et y restent pendant les petites vacances. En ce qui concerne par exemple les vacances d'hiver qui donnent lieu aux plus fortes migrations, 6 % seulement des écoliers français peuvent se rendre aux sports d'hiver. Pour la plupart des enfants, ces petites vacances se passent devant la télévision ou à baguenauder dans les rues ou les centres commerciaux. Il faut que les mères de famille aient été bien mal représentées dans les instances responsables ; si leur voix avait pu se faire entendre, nul doute que cette organisation n'aurait jamais été acceptée. » . Preuve s’il en faut encore, qu’on utilise à tort et à travers les données de la chronobiologie pour faire croire qu’elle permettra des solutions miracle.  

Les rythmes ultradiens
Parmi eux on trouve la tension artérielle, la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire, le sommeil. 
Chez les enfants scolarisés,  la fréquence cardiaque est souvent perturbée au moment du creux méridien : comme expliqué précédemment, c’est un moment de baisse physiologique global, nécessitant pause et relaxation, or à ce moment de la journée les enfants qui ne rentrent pas chez eux connaissent une prise de repas dans un lieu particulièrement stressant (bruit de fond atteignant 85Dbs) et souvent on ne leur propose rien d’autre que d’aller se « défouler » dans la cour de récréation, d’où un moment d’extrême hyperexcitation après ce moment de stress ! C’est une hérésie, et cela nécessite une réflexion en profondeur de la part des communes pour organiser au mieux des besoins des enfants ce moment si particulier de la journée. 

LE SOMMEIL

"Tous les animaux autres que l’homme ont la faculté du sommeil comme lui. Il n’y a doute que pour les coquillages, sur lesquels on n’a point fait d’observations directes." Aristote  (12)
Ses différents stades ont été découverts dans les années 30.  Il fait partie des rythmes les plus étudiés chez l’enfant, dès son plus jeune âge. C’est un état particulièrement fragile, mais aussi complexe, ne serait-ce que parce qu’il dépend de plusieurs oscillateurs qui n’ont pas la même dépendance aux synchroniseurs extérieurs. Or sa qualité a un effet immédiat sur notre bien-être.

Les oscillateurs majeurs du sommeil (13)
 Chez les mammi¬fères, l’horloge circadienne principale est localisée dans le cerveau, à la base de l’hypothalamus : les Noyaux SupraChiasmatiques (NSC). Placés derrière les yeux, au-dessus du croisement des nerfs optiques (chiasma optique) il est très dépendant des changements de luminosité dans l’environnement.
Ces NSC  jouent un rôle majeur dans la synchronisation des cellules de l’organisme avec le changement jour/nuit, lumière/obscurité. L’alternance de lumière et d’obscurité constitue le synchroniseur environnemental le plus puissant de l’horloge suprachiasmatique.
Par un circuit complexe ils envoient les informations aux horloges périphériques telles que la glande pinéale (ou épiphyse) nécessaires à leur mise en route. 
En distribuant des messages temporels via des hormones (mélatonine, glucocorticoïdes) et le système nerveux autonome, l’horloge suprachiasmatique transmet des signaux journaliers à tous les tissus de l’organisme, par l’intermédiaire d’une synchronisation des horloges secondaires (22). À l’aide de ces signaux, les mécanismes homéostasiques des tissus sont préparés aux périodes d’activité ou de repos et cela, de manière orchestrée (tous les organes ne sont pas en activité aux mêmes moments du cycle).

Deux synchronisateurs

fig. 5 les deux oscillateurs majeurs pour le rythme circadien

La qualité du sommeil
La qualité dépend aussi de la pression de sommeil exercée par la journée, de son contenu et  de son déroulement
Borbély (1982, 21) considère que le rythme veille-sommeil est la résultante du processus circadien qui favorise (ou pas) le sommeil en modulant la température interne et d’un processus homéostasique qui impose (ou pas) le sommeil en fonction du temps écoulé depuis l’éveil (la pression de sommeil). 
Chez les enfants et les ados, mais chez nous aussi, une « bonne fatigue » est nécessaire pour bien dormir.  Trop fatigué ou pas assez, on sait qu’on ne dort pas bien. 
Plus la journée est longue, plus la pression de sommeil est forte. Si on ne peut pas dormir en conséquence, on générera un manque de sommeil qui, cumulé, provoquera de la somnolence et même de la fatigue.

La mise en route du sommeil
Il est déclenché en fin de journée, quand  la vigilance physiologique, le cortisol et la température baissent (repérable par un  frisson ressenti) alors que la mélatonine a démarré sa synthèse. Lavie (1980)  constate que la variation de température centrale apparaît comme l’un des principaux déterminants des « portes du sommeil », celle-ci et la variation du cortisol sont les meilleurs indicateurs d’un bon fonctionnement de l’horloge circadienne. Utilisons notre cycle de température, facile à mesurer, comme témoin de notre propre rythme circadien, nous pourrons ainsi mieux le respecter. La synthèse de mélatonine quant à elle fonctionne comme une batterie rechargeable : la pinéale a besoin de lumière naturelle pour se recharger (ce pour quoi la luminothérapie bien appliquée est efficace pour traiter les dépressions saisonnières l’hiver), pour la recharger il suffit de profiter chaque jour d’une trentaine de minutes de lumière naturelle, prendre le soleil quand il paraît même en hiver ;  mais elle a besoin d’OBSCURITÉ pour démarrer en fin de journée.
Ce besoin d’obscurité nécessite qu’on éteigne tous les écrans (télévision, smartphones, jeux vidéo, tablettes numériques, ordinateurs) au moins 1h avant l’endormissement, car tous diffusent des flux bleutés, très proches de la lumière naturelle, délétères pour un endormissement de qualité. Les flux bleutés des écrans leurrent les NSC en leur faisant croire, le soir, qu’on est encore le jour. Flouée, cette horloge suprachiasmatique n’envoie pas les bons messages aux horloges périphériques, dont la glande pinéale. Cette activation artificielle des NSC empêche le sujet de percevoir la fatigue pourtant bien présente et retarde d’autant l’endormissement. La motivation pour l’activité présente renforce encore cette non perception. Le coucher tardif n’empêchera pas l’horloge d’éveil spontané de se déclencher le matin à la même heure, car celle-ci est le fait du pic de cortisol et de l’élévation de la température. 
Or il faut 8 jours environ à la température pour adopter un nouveau rythme, deux à trois semaines aux hormones, comme le cortisol. Le calcul fait alors par le cerveau supprimera une partie de sommeil très profond, par manque de temps sur la nuit. Les heures dites de grasse matinée ne permettent pas de récupérer ce qui a été perdu. Un manque cumulé de sommeil profond peut être récupéré grâce à des nuits plus longues, en revanche, un manque de sommeil paradoxal, dû à des levers trop précoces (voir les transports chez les ados) ne peut jamais être récupéré. 
Plusieurs études récentes ont montré que depuis les années 80 on note une différence de 40 mns/j de sommeil chez les enfants et les jeunes ayant télé ou ordinateur ou jeu vidéo dans leur chambre ! Plus de 30% des ados sont en dette de sommeil. Une étude suisse récente (23) confirme que l’usage des écrans, quels qu’ils soient, est à proscrire chez les enfants et les adolescents le soir, car ils retardent fortement la synthèse de la mélatonine.
Sait-on comment fonctionnent, en tant que parents, les patrons de la Silicon Valley ? Ils limitent strictement le temps d’écran de leurs enfants, interdisant souvent les gadgets électroniques les veilles d’école et fixant des limites très strictes les week-ends. “La règle numéro un, c’est : pas d’écrans dans la chambre. Un point c’est tout”, et Walter Isaacson à propos de Steve Jobs : « Chaque soir, Steve tenait à ce que toute la famille dîne à la grande table de la cuisine, pour parler de livres, d’histoire et de toutes sortes de choses, m’a-t-il répondu. Personne ne sortait jamais son iPad ou son ordinateur. Les enfants n’avaient pas l’air du tout d’être dépendants à ces appareils. »
Lumière et rythmes circadiens
Les aveugles dont la rétine est complètement inopérante présentent de nombreux troubles de leur organisation temporelle.
La rétine contient des neurones spécialisés pour stimuler la sécrétion de mélatonine par la glande pinéale. Chez les aveugles la lumière ne peut être traduite en signal hormonal de synchronisation, ils connaissent une désynchronisation identique à celle de certains travailleurs postés. La plupart d’entre eux ont des rythmes circadiens qui durent plus de 24h, ce qui est à l’origine d’insomnies et d’une tendance à l&rsquo

Le déroulement du sommeil


Si on est raisonnable, dès la perception de la température qui baisse, on va se coucher, en ayant éteint les écrans une heure avant. Lavie (1980)  constate que la variation de température centrale apparaît comme l’un des principaux déterminants des « portes du sommeil », celle-ci et la variation du cortisol sont les meilleurs indicateurs d’un bon fonctionnement de l’horloge circadienne. Utilisons notre cycle de température, facile à mesurer, comme témoin de notre propre rythme circadien, nous pourrons ainsi mieux le respecter. 
On va alors rapidement passer par le premier cycle de sommeil, après un endormissement qu’on doit respecter car alors le sommeil est très fragile,  on tombe en sommeils lents Profond (stade 3) et Très Profond (stade 4) qui occupent pratiquement tout ce premier cycle. C’est grâce à ces sommeils qu’on récupère de la fatigue physique et musculaire accumulée au cours de la journée, ils favorisent également la sécrétion hormonale, dont l’hormone de croissance : importante pour l’enfant en période de croissance, elle joue également un rôle important dans le renforcement de l’efficacité des défenses immunitaires ainsi que pour aider les graisses à brûler, pour diminuer la fragilité des os. 
L’ancrage des informations déjà acquises dans la mémoire se fait au cours de ces sommeils profonds et très profonds. C’est le moment privilégié pour l’organisme de ralentir tous ses métabolismes, comme si les cellules se mettaient elles aussi en sommeil. C’est une période où le cerveau se repose. 

Entre 3 et 6 ans, avec la disparition progressive de la sieste qui se faisait en sommeil lent profond, le temps passé en sommeil profond en début de nuit augmente pour compenser ce manque. A cet âge l’enfant peut enchaîner deux cycles successifs de sommeil profond sans phase de sommeil paradoxal entre deux. D’où l’importance de préserver un horaire de coucher stable. Après 12 ans le sommeil nocturne devient plus léger.
Diverses études ont montré que la perte du sommeil profond provoque, à long terme, des troubles psychiques importants, parmi lesquels des comportements agressifs, des troubles de l’humeur, des pertes de certains repères. Or régulé par les NSC, (horloge dépendante de l’environnement), il est atteint dès tout manque de sommeil dû par exemple à un retard dans l’endormissement. 
À la fin de ce premier cycle de sommeil apparaît le stade de sommeil paradoxal, ainsi appelé par Michel Jouvet, car alors que le cerveau du dormeur se met en activité, son activité musculaire est totalement inhibée, les mouvements oculaires sont très rapides. 
Les psychologues ont beaucoup travaillé sur les relations entre « sommeil et apprentissages » (Bloch et al. 1979) et ont pu démontrer que le sommeil n’est pas simplement une période pendant laquelle on dort et on récupère physiquement, mais qu’il pourrait être aussi une période pendant laquelle le cerveau « travaille activement ».
Dès 1974 (24) Leconte et al. montraient que la suppression sélective de cette phase de sommeil ne permet pas à un apprentissage nouveau de s’effectuer, alors que quand cet apprentissage nouveau se réalise, on constate un accroissement du temps passé en SP. Ce dernier phénomène a même été observé précocement, chez des bébés âgés de six mois et confrontés à un apprentissage nouveau (Paul et Dittrichova, 1975) (25). En 2011, grâce à l’utilisation de l’imagerie par résonance magnétique permettant de visualiser l’activité du cerveau, Rauchs et al. (26) ont confirmé que le sommeil permet de trier les informations importantes de celles qui ne le sont pas.

Ces deux catégories de sommeil sont aussi importantes l’une que l’autre, mais il faut savoir que leur durée varie en fonction de l’avancée de la nuit : en début de nuit les sommeils profonds et très profonds sont longs en durée alors que la première apparition du sommeil paradoxal est brève, mais dès le 3ème cycle le sommeil très profond a très fortement diminué pour disparaître ensuite alors qu’à ce moment là le sommeil paradoxal a beaucoup augmenté et restera long jusqu’à la fin de la nuit. Souvent appelé sommeil de rêve, cela explique que quand on doit faire sonner son réveil le matin on a des chances non négligeables d’être réveillé en plein rêve ! (voir fig. 7).

Cycles de sommeil

http://www.institut-sommeil-vigilance.org/insv-pages/savoir-sommeil.php#savoir-sommeil-01

Sp et e veil       fig. 9 Les quatre stades de sommeil constituant le premier cycle, à partir de notre endormissement4 stades

Évolution avec l’âge
Des différences interindividuelles apparaissent très tôt chez l’enfant ; avant 1 an, le bébé est petit dormeur ou moyen ou gros dormeur, typologie qui perdure ensuite, en particulier quand l’enfant entre en maternelle. 
À l’adolescence, avec la puberté, un retard de phase physiologique s’installe qui devrait être pris en considération pour la gestion de leurs horaires scolaires.
Une typologie s’installe également à ce moment là, à savoir la typologie matinalité-vespéralité (Alouette ou Hibou). Avant cette maturation physiologique qui débute vers 9-10 ans, les enfants sont majoritairement des lève tôt : qui n’a essayé de coucher son jeune enfant tardivement le samedi soir avec le secret espoir de faire la grasse matinée le dimanche, et ce sans succès ?
Mais ce que peu  de gens savent, ados comme parents, c’est que vers 11-12 ans, on a besoin de plus de sommeil paradoxal qu’avant, alors que parallèlement le sommeil très profond va s’amenuiser.

Rythmes circadiens – évolution avec l’âge –activité-repos
Modifications en fonction de l'âge, au cours du nycthémère (24 heures), de la durée du sommeil en heures (à gauche) et des états de vigilance et stades de sommeil en pourcentages   https://sommeil.univ-lyon1.fr/articles/challamel/sommenf/fig16.php

Stades fonction a ge