Biographie

Claire Leconte

Professeur Emérite de Psychologie de l’Éducation - Université de Lille 3

Chercheuse en chronobiologie spécialiste des rythmes de l'enfant et de l'adolescent

Laboratoire PSITEC (EA 4072)

Membre actif de l'association Prosom

Membre du réseau PrISME

Membre de la FFPP

Membre du conseil scientifique de l'ALEFPA

BIOGRAPHIE RELATIVE AUX TRAVAUX SUR LES RYTHMES

 

Après avoir été professeur de mathématiques sur poste PEGC, j’ai intégré l’université comme enseignant-chercheur en psychologie, mes premières recherches ayant eu lieu au sein d’un laboratoire de sommeil sis à l’université de Lille 3.

J'étudie depuis les années 1980 (premiers travaux réalisés auprès de bébés grands prématurés au CHR de Lille) les rythmes d'activités attentionnelles et mnésiques, j'ai cherché à en confirmer l'existence, la consistance, à en analyser les relations avec le physiologique, avec les rythmes biologiques comme le rythme veille-sommeil,  mais j'ai surtout mis en évidence les facteurs "perturbateurs" dont l'intervention explique les modulations -autrement inexplicables- observées soit dans les performances soit dans la dépense énergétique occasionnée par la réalisation de la tâche à un moment donné. Cette partie de mes travaux tient à l'heure actuelle une place importante, car c'est ce qui me permet de réfléchir de manière assez approfondie aux facteurs (l'âge, les différences inter-individuelles, le contexte de réalisation de la tâche, le type de tâche,...) qui jouent un rôle pour le moins "masquant" (terme emprunté aux biologistes) sur les potentiels rythmes d'activités psychologiques, ce qui n'est que très peu étudié en général.

Ainsi depuis de nombreuses années, je suis très fréquemment et régulièrement invitée par diverses structures départementales, régionales ou nationales afin d’assurer des conférences et des stages de formation à l’adresse de responsables ayant quelques pouvoirs de décision et qui souhaitent connaître et utiliser les résultats récents de la recherche.

Depuis plus de 30 ans je participe activement à la construction de projets éducatifs innovants, avec les équipes pédagogiques et en partenariat avec les associations partenaires de l’école, ainsi qu’avec les collectivités et les parents d’élèves.

Depuis les années 1980, j’ai ainsi participé à diverses expérimentations grâce aux contrats de recherche que j’ai obtenus relativement aux appels à projets lancés par les ministères de l’éducation nationale et/ou jeunesse et sports, pour aménager les « rythmes scolaires ». Expérimentations menées aussi bien en collèges qu’en écoles primaires.

À partir de 1988, j’ai beaucoup travaillé avec le ministère Jeunesse et Sports, allant même jusqu’à participer activement à la refonte des contenus de formations des divers Brevets d’États.

C’est ainsi que j’ai accepté de continuer de travailler avec l’équipe en place qui m’a conduite à être membre-expert du Comité d’Évaluation et de Suivi des Rythmes Scolaires dès la fin de l’année 1995, devenu Comité d’Évaluation et de Suivi des Rythmes de l’Enfant après entre autres, mes interventions insistantes pour ne pas ne s’intéresser qu’aux emplois du temps scolaire.

Au cours de cette période, outre mon activité d’expertise au sein de ce Comité national, j’ai été présidente, à la demande de Catherine Trautman alors maire, du comité de pilotage et de suivi des projets d’Aménagements des Rythmes Scolaires de la ville de Strasbourg (près de 2000 enfants concernés), mais j’ai également signé de très nombreuses conventions de recherche avec les DDJS pour assurer le suivi évaluatif des projets mis en place par plus d’une dizaine de sites pilote.

Ce sont ainsi pas moins de 12OO enfants qui ont été suivis pendant 3 ans, dans les sites expérimentaux et témoins répartis sur les départements du Nord, du Calvados, des Hautes Pyrénées, de la Manche et de l’Orne.

C’est dans ce cadre d’appels à projets, s’appuyant sur une circulaire tri-ministérielle (Éducation nationale, Jeunesse et Sports, Culture) signée fin 1995, autorisant des expérimentations permettant de répartir les 26 h hebdomadaires obligatoires pour les élèves, sur au moins 5 jours,  que j'ai participé à la mise en place d'un projet expérimental particulièrement important et riche de résultats positifs pour les enfants mais aussi pour toute la communauté éducative, à savoir la mise en place à Lille, pour un groupe scolaire maternelle-élémentaire,  d'une semaine de 6 jours de classe, dans un quartier particulièrement défavorisé.

Nous avions alors décidé que l’école deviendrait, entre autres, régulatrice du rythme veille-sommeil des enfants mais qu’elle leur permettrait aussi une réelle ouverture culturelle (au sens large) ce qui a pu être mis en place grâce à la collaboration de l’association des Francas oeuvrant depuis de nombreuses années dans le quartier pour l’accompagnement scolaire.

Nous avons fait le choix d’augmenter les matinées de classe, (4h intégrant 2 pauses de 15 mns), ce qui a permis de ne plus consacrer les matins qu’aux maths et au français alors que cela  se faisait un peu partout en France depuis le décret de 1969 paru suite à la suppression du samedi après midi d’école. En effet dans un tel projet il n’était pas question pour nous de nous contenter de modifier quelque peu les horaires scolaires, il était au contraire important que nous utilisions ce changement comme levier de changements pédagogiques. Permettre aux enfants de faire de la musique, de l’EPS, des arts plastique qui relèvent du programme scolaire le matin plutôt qu’à des moments de moindre capacité attentionnelle est majeur pour développer la motivation intrinsèque de ces élèves.

Deux heures de classe avaient lieu le mardi après midi et trois après midi étaient donc totalement dédiées aux parcours éducatifs mis en place par les Francas construits en toute intelligence avec les enseignants.

Très vite nous avons pu constater des changements positifs très sensibles dans les capacités d’apprentissage de ces enfants liés à une plus grande disponibilité cognitive, mais aussi dans leurs comportements au quotidien mais encore dans leurs attitudes vis-à-vis de leur quartier de vie.

De même  nous avons pu mettre en évidence un changement manifeste dans le rapport à l’école des parents de ces enfants traditionnellement totalement absents.

Enfin les changements ainsi perçus au sein de l’école primaire ont également été repérés par les enseignants du collège, qui « ne reconnaissaient plus ces élèves » !

Cette semaine a fonctionné ainsi de 1996 à 2008, malheureusement quelque peu sectionnée brutalement par l'obligation de mise en place de la loi Darcos qui imposait la suppression du samedi matin, au désespoir des collègues enseignants. L’école fonctionne toujours sur cinq jours, avec cinq matinées de 4h et deux après midi de 2h, deux autres après midi étant toujours consacrés aux parcours éducatifs. C’est donc une école qui n’a jamais connu la semaine de 4 jours.

Un suivi évaluatif portant sur de nombreux facteurs a permis d’accompagner ce groupe scolaire depuis la mise en place de son « expérimentation ».

Il faut aussi souligner que cette école a toujours maintenu le comité de pilotage mis en place lors de la construction du projet qui permet aux partenaires éducatifs de se rencontrer régulièrement au cours de l’année.

De Septembre 2002 à septembre 2005, j'ai participé à un contrat de recherches en partenariat avec le Centre d’Etudes de Physiologie Appliquée du CNRS (UPS 858) de l’Université Louis Pasteur de Strasbourg, dans le cadre d’appel d’offres « Ecole et Sciences Cognitives » - Thème : Les apprentissages et leurs dysfonctionnements. Un rapport d'activités, deux communications et un article en sont sortis. Des comparaisons (attention, fatigue, sommeil, activités logiques, mathématiques, lecture) entre des enfants d'écoles à 4 jours, à 4 jours et demi avec mercredi ou samedi et l’école à 6 jours ont été réalisées au cours de cette recherche.

En 2010 j’ai été contactée par la ville de Lomme pour participer au comité de pilotage qu’elle mettait en place pour réfléchir à la mise en place d’un projet éducatif permettant à un groupe scolaire d’abandonner la semaine de 4 jours.

Nous avons ainsi construit un projet dont l’aménagement des temps scolaires s’est inspiré de l’organisation de l’école lilloise après que des visites dans nombre d’autres écoles eurent été menées (dont les écoles d’Épinal).

Le projet a été mis en place à la rentrée 2012 après que la mairie eut réalisé un important travail de recensement des ressources associatives susceptibles de participer à ce projet éducatif pour  occuper le plus intelligemment possible les après-midi libérés.

Les premiers changements positifs se font déjà sentir, tant chez les enfants que chez les enseignants et les parents d’élèves.

Il est important de dire que ce projet éducatif a donné lieu à la signature d’une charte éducative, début janvier, charte co-signée par le DASEN, la directrice de la Cohésion Sociale, la directrice de la CAF, le maire et les représentants de parents d’élèves. Nous sommes bien dans une innovation éducative qui va bien au-delà du simple aménagement des emplois du temps scolaires.

Étant donnée mon expertise reconnue nationalement dans ce domaine, j’ai également été contactée par les villes de Angers, de Nevers, de La Roche sur Yon, de Brest et de Lyon pour aider ces villes éducatrices à mettre en place un programme d’évaluations pour les écoles expérimentales qu’elles ont mises en place depuis 2010, ce que je fais donc pour la 3ème année consécutive.

J’ai par ailleurs assuré la formation de plusieurs milliers d’enseignants du primaire suite aux demandes du Snuipp pour que je participe à leurs journées d’études sur les rythmes scolaires, ce que j’ai donc fait dans plus de 30 départements différents, ainsi qu’au Maroc en mars 2012 et prochainement en Tunisie.

J’ai également réalisé cette formation pour 200 enseignants de Roubaix à la demande d’une IEN, pour les directeurs d’école de Villeneuve d’Ascq et pour 250 enseignants de la Nièvre, toujours à la demande d’une IEN, formation réalisée en présence du DASEN de la Nièvre.

Je ne peux compter le nombre de parents, d’animateurs d’associations des mouvements d’éducation populaire, d’élus,  que j’ai touchés dans le cadre de soirées débat grand public organisées depuis plus d’un an, dans toute la France, depuis même la conférence mise en place par Luc Châtel.

J’ai été contactée par le chargé de mission à l’éducation de Quito pour aller assurer une série de séminaires sur les rythmes, à Quito, dans les semaines qui viennent.

 

C’est dire que mon expertise scientifique dans ce dossier est reconnue internationalement, mais mes investissements sur le terrain le sont également.

Je me dois d’ajouter que mes compétences reconnues ne s’arrêtent pas aux seuls « rythmes scolaires », (terminologie d’ailleurs que je dénonce dans mes écrits en l’argumentant). Je m’intéresse par exemple aussi à l’analyse de programmes éducatifs de remédiation permettant une remobilisation de l’attention dans le cas de dysfonctionnements constatés dans certaines pathologies lourdes et/ou de difficultés scolaires particulières. C’est à ce titre que les dysfonctionnements constatés chez les enfants porteurs d’autisme m’intéressent. Ce d'autant plus qu'une demande importante émane à l'heure actuelle des institutions ayant en charge des enfants porteurs de handicaps, sur une réflexion à avoir quant aux rythmes de ces enfants et les temps de prise en charge.

Je travaille encore avec des lycées professionnels, en partenariat avec l’infirmière scolaire, afin de mettre en place des programmes d’éducation à la santé en particulier autour du sommeil.

J’ai aussi mis en place un travail d’aide à la régulation du rythme veille-sommeil dans des situations de grande difficulté de vie telles que celles auxquelles sont confrontées des personnes incarcérées,  en particulier pour les aider à la réinsertion après leur sortie, principalement pour leur permettre de supprimer le plus rapidement possible tous les médicaments qui leur sont donnés pour traiter leur insomnie et l'anxiété qui en découle.

A travers toutes ces recherches, j'ai pu démontrer la nécessité d'avoir la plus grande vigilance dans les termes à employer (par exemple j’ai démontré que le terme  « rythmes scolaires » est un terme inapproprié du point de vue scientifique) mais aussi sur la nécessité de ne pas aborder le problème des temps de vie uniquement à travers une question d'emploi du temps. Il faut tenir compte d'abord des connaissances que l'on a relativement aux besoins des personnes par rapport à leurs rythmes biologiques, mais aussi sur leurs besoins psychologiques et sur leurs besoins sociaux, puis revoir avec eux comment leurs temps contraints peuvent tenir compte le mieux possible de leurs besoins physiologiques principalement du point de vue de leurs rythmes biologiques.

Cela impose de leur apprendre d’abord à se connaître eux-mêmes, à savoir repérer leurs différents états de veille mais aussi de fatigue avant de voir avec eux comment gérer au mieux leur emploi du temps afin qu’ils profitent le plus efficacement possible des différentes plages horaires. Quand se reposer, quand s’activer, quelles activités avoir en fonction du moment concerné ?

Apprendre à se connaître soi-même passe par un apprentissage à l’auto-évaluation, ce qui devrait être mis en place à l’école dès le plus jeune âge, car une spécificité française est que les enfants sont beaucoup et souvent évalués par les adultes, mais ne savent pas évaluer par eux-même ni leur savoir-être ni leur savoir-faire. Or cette capacité d’auto-évaluation est un facteur très important de développement de la confiance en soi, de l’estime de soi.

Et on ne peut continuer à ignorer qu’au delà d’un emploi du temps horaire, les contenus des temps, les pratiques et les méthodes pédagogiques mises en œuvre ont un effet majeur sur la fatigue et sur l’efficacité à résoudre les tâches proposées.

C’est pour quoi réformer les « rythmes scolaires » ne peut s’appuyer sur une seule recommandation à savoir « alléger la journée des enfants », tant on sait qu’on peut fatiguer davantage un enfant en 5 heures mal gérées qu’en 6 heures parfaitement bien organisées.

J’aime souvent reprendre les paroles de Célestin Freinet qui, dès 1964, s’insurgeait contre le vrai-faux débat sur la fatigue à l’école. « Il est admis officiellement que le jeune enfant ne peut pas travailler plus de quarante minutes, et qu’il faut ensuite, dans toutes les classes, dix minutes de récréation. Or nous constatons expérimentalement que cette règle scolastique est fausse : lorsqu’il est occupé à un travail vivant qui répond à ses besoins, l’enfant ne se fatigue absolument pas et il peut s’y appliquer pendant deux ou trois heures. »

Freinet va même plus loin lorsqu’il affirme crûment que « la fatigue des enfants est le test qui permet de déceler la qualité d’une pédagogie. »

Quant à moi je demande souvent, « quelle est la durée de maintien de l’attention chez l’enfant dès le plus jeune âge lorsqu’il est accroché à son jeu vidéo dont la réussite dépend à la fois de sa pleine concentration mais aussi de sa dextérité en motricité fine ? S’arrête-t-il de lui-même parce qu’il est fatigué ou doit-on le « décrocher » ? ». Les réponses spontanément données sont sans appel quant à ce débat pour moi illégitime sur « la nécessité d’alléger la journée » !

Quant à ma vie professionnelle elle m’a conduite à assurer toutes les responsabilités qu’on peut attendre d’un enseignant chercheur, à savoir que j’ai été, entre autres, Directrice d’UFR, Directrice du laboratoire de recherche, Directrice du centre de formation des psychologues scolaires, Vice-Présidente de l’université, Chargée de mission Santé de l'Université de Lille 3, Directrice du Service de Formation Continue de l'Université de Lille 3 (FCEP), Présidente de la commission nationale de délivrance du titre de psychologue aux candidats étrangers, et je suis toujours Présidente de l’association des enseignants chercheurs de psychologie des universités.

Enfin entre l'entrée à l'école de mon premier enfant et la sortie de l'école de mon dernier enfant, il s'est écoulé 30 ans au cours desquels j'ai constamment milité comme parent d'élève au sein de la FCPE, dans différents départements de France, et fut présidente du conseil local de Lannemezan (65) pendant quelques années pour terminer ce militantisme actif.

L'école, l'éducation, les enfants, les adolescents, les enseignants, les parents, les partenaires de l'école, les collectivités locales, je pense pouvoir dire que je connais bien.