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se lever à 5h30 rend heureux ! pas si sûr !

Le 07/09/2015

 

Publication d'une  tribune sur les levers matinaux, que vous pouvez retrouver à ce lien http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1415949-se-lever-a-5h30-rend-heureux-pas-si-sur-manipuler-le-sommeil-est-nefaste.html

Se lever à 5h30 rend heureux ? Pas si sûr. Manipuler le sommeil est néfaste
Publié le 06-09-2015 à 08h25 - Modifié à 13h45

Par Claire Leconte
Professeur de psychologie

LE PLUS. Les réveils matinaux contribueraient à notre bonheur. C'est en tout cas ce qu'affirme Laura Mabille, entrepreneure, dans un billet publié sur le "Huffington Post". Vrai ou faux ? Selon Claire Leconte, professeur de psychologie, la réponse n'est pas si évidente, car le sommeil est un état fragile et complexe. Explications.
Édité par Anaïs Chabalier 

S’imposer une série de rituels, qui plus est chronométrés, à 5h30 du matin, interroge forcément et ce à plus d’un titre. Dans son texte, Laura Mabille décompose ainsi son début de journée :
 
- faire le vide et se concentrer (10 min),
- écrire (10 min),
- rappel des objectifs (10 min),
- bouger ses fesses (0 min ou 1h30 !),
- lire (20 min), entre 50 min et 2h20 selon que l’on se bouge beaucoup ou pas du tout les fesses.
 
Est-ce la même chose les jours où elle ne travaille pas ? Et une alarme signale-t-elle la fin de chaque activité ?
 
Le sommeil, un état fragile et complexe
 
Du point de vue biologique, est-ce vraiment la bonne heure pour démarrer sa journée ? L’auteur donne l’impression que le sommeil peut être manipulé sans conséquence, or c’est une erreur : les chercheurs s’accordent sur le fait que c’est un état particulièrement fragile et complexe. La qualité du sommeil et le bon fonctionnement du rôle réparateur qu’on attend de lui dépendent de deux phénomènes.

Pour Alexandre Borbély, le rythme veille-sommeil est la résultante du processus circadien (sur 24 heures) qui favorise (ou pas) le sommeil en modulant la température interne – qui n’a jamais ressenti un frisson en fin de journée ? – et d’un processus homéostasique qui impose (ou pas) le sommeil en fonction du temps écoulé depuis l’éveil, ce qui provoque une certaine pression de sommeil : trop ou pas assez fatigué, on ne dormira pas bien.
 
Le sommeil se déroule grâce à la synchronisation de deux oscillateurs, situés à des endroits différents du cerveau, n’ayant donc pas la même résistance aux événements de l’environnement.
 
L’un d’eux, situé juste derrière les yeux, est fort sensible aux changements lumière-obscurité, d’où les effets nocifs des écrans lumineux sur la qualité de l’endormissement ; l’autre au contraire, programmé génétiquement, est très peu sensible à ces changements.
 
Notre nuit de sommeil n'est pas homogène
 
La bonne synchronisation de ces deux oscillateurs induit la qualité de notre rythme veille-sommeil ; se coucher trop tard ou se lever trop tôt provoque une désynchronisation de nos horloges internes ayant une répercussion à plus ou moins long terme sur la qualité de notre vie.
 
De plus, notre nuit de sommeil ne se déroule pas de façon homogène entre l’endormissement et l’éveil. On s’endort en faisant beaucoup de sommeil lent profond, indispensable pour récupérer physiquement et musculairement, il est très influencé par les changements de luminosité.
 
Au moment de l’éveil spontané, nous faisons alors beaucoup de sommeil paradoxal, qui joue un rôle important dans les activités cognitives complexes et n’est pas influencé par les changements de luminosité. Un manque de sommeil profond (coucher trop tard) peut être récupéré grâce à des nuits plus longues mais un manque de sommeil paradoxal (levers trop tôt) n’est jamais compensé.
 
Enfin, notre typologie joue pour savoir bien dormir : on est petit, moyen ou gros dormeur, mais aussi vespéral (couche-tard), matinal (lève-tôt), ou intermédiaire. Un gros dormeur vespéral aura énormément de difficultés à se lever très matinalement, quoi qu’on lui propose alors !
 
Pourquoi se créer une telle série d’obligations ?
 
Pour échapper à l’oppression de notre quotidien, on se recrée une série d’obligations ! Où prend place le plaisir de ne rien faire, d’avoir juste du temps pour soi, pour rêvasser, pour penser à tout et rien sans la pression du temps qui passe trop vite ? C’est aussi cela qui nous permet d’être créatif.
 
Oui, il est mieux de ne pas se lever à la dernière minute pour se préparer à sa journée, mais pourquoi se priver d’un sommeil important pour ce faire ? Pourquoi s’obliger à zapper entre de multiples activités ? Aucune d’elle n’acquiert ainsi une réelle densité qui permet vraiment de lui accorder l’intérêt qui lui revient. Cela donne l’impression de vouloir meubler le temps plutôt que d’en bénéficier vraiment.
 
De plus, c’est condenser sur un moment particulier de la journée toutes les activités qui, au contraire, gagneraient à être réparties sur plusieurs plages temporelles permettant réellement des temps de respiration tout au long de sa journée : sur le creux méridien, en fin de journée entre autres.
 
Paul Fraisse [1] disait :

"Nous jouissons de notre temps quand il y a harmonie entre ce que nous souhaitons faire et ce que nous devons faire, et le temps qui nous est accordé pour le faire. Cette harmonie est surtout conditionnée par les conditions temporelles que nous propose la société."
 
J’approuve !
 
Sortir du surmenage 
 
Comment peut-on en arriver à démanteler une part importante de notre vie, notre sommeil, pour compenser le manque de temps pour soi que nous impose la société actuelle ?
 
La gauche, depuis 1936, militait pour le temps de vivre, pour le temps libre, jusqu’à en faire un ministère après l’élection de François Mitterrand. Son ministre, André Henry, affirmait que la recherche menée par son équipe tendait à déterminer les outils humains de notre temps, capables de transformer la société industrielle de consommation et de profit au bénéfice d’une société au service de l’homme.

Quant à Bertrand Russell [2], dès 1932, voici ce qu’il analysait :
 
"Les plaisirs des populations urbaines sont devenus essentiellement passifs : aller au cinéma, assister à des matchs de foot, écouter la radio, etc. Cela tient au fait que leurs énergies actives sont complètement accaparées par le travail ; si ces populations avaient davantage de loisirs, elles recommenceraient à goûter aux plaisirs auxquels elles prenaient jadis une part active. (…). La bonté est, de toutes les qualités morales, celle dont le monde a le plus besoin, or la bonté est le produit de l’aisance et de la sécurité, non d’une vie de galérien. Les méthodes de production modernes nous ont donné la possibilité de permettre à tous de vivre dans l’aisance et la sécurité. Nous avons choisi, à la place, le surmenage pour les uns et la misère pour les autres : en cela nous nous sommes montrés bien bêtes, mais il n’y a pas de raison pour persévérer dans notre bêtise indéfiniment !"
 
En sortirons-nous un jour ?
`
Enfin, l’auteur incite à "passer le cap des 21 jours" pour instaurer cette "nouvelle habitude" au quotidien, qui deviendra alors un besoin : où est la limite avec un comportement addictif ?
 
 
 
[1] Fraisse P., 1975, Psychologie du temps, Paris, PUF.
[2] Russell B., 1932, Éloge de l’oisiveté, traduit par M. Parmentier, 2002, Éd. Allia 
 
 
 

 

L'heure d'été, tout un programme

Le 28/03/2015

Une journaliste du Nouvel Obs le Plus m'a contactée pour me demander de faire une tribune à propos du passage à l'heure d'été. 

J'ai bien sûr répondu favorablement car je comptais y donner des conseils importants pour ce fameux passage, mais pas réservés à ce moment là. 

Donc je pense que tout parent, tout adolescent, tout éducateur trouvera dans ce nouveau billet, des conseils avisés à suivre à la fois pour s'assurer de bien passer ce moment mais aussi pour garder la forme ensuite, ne serait-ce que parce que l'année scolaire est loin d'être finie. 

Bonne lecture à tous 

http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1346065-changement-d-heure-il-ne-met-pas-en-danger-notre-sante-mais-il-faut-s-y-preparer.html#reaction

 

Quand on veut tuer son chien on dit qu'il a la rage

Le 26/06/2014

Quand on veut tuer son chien, on l'accuse de la rage !

Claire Leconte, professeur émérite de psychologie de l’éducation

« D'abord ils vous ignorent, ensuite ils vous raillent, ensuite ils vous combattent et enfin, vous gagnez. » - Gandhi

Ne croyez pas que je me considère comme un canidé, mais la ressemblance des actes du ministre de l’Education nationale avec ceux d'un maître qui veut se débarrasser de son chien est troublante.

Nous avons eu avec Benoît Hamon l'occasion d'un débat d'idées sur un plateau de télévision de France 5, l’émission « Les Maternelles ». Mais une intervention de dernière minute auprès de cette chaîne a permis d’éviter que nous nous rencontrions ! Dont acte !

Et maintenant, un nouveau palier a été franchi, le ministre dénigrant publiquement mes travaux sans me nommer toutefois. Tout cela sans aucun élément de justification.

Sur le site de Toutéduc en date du 21 juin 2014, Benoît Hamon défend « la réforme des rythmes scolaires ». Et selon l'auteur de l’article, le Ministre dénonce une « chronobiologiste » dont les travaux « sont contestés » mais qui est la seule à qui les médias donnent la parole" !

Pourtant au vu de l'épisode précédemment évoqué, j'incline plutôt à penser qu'on s'ingénie à m'empêcher d'avoir la parole dans les médias.

Alors M. Hamon, allons au bout des choses : Qui conteste mes travaux ? Et quels travaux ?

Dans toutes les interventions que je fais, je cite toutes mes sources et références, (quiconque peut les retrouver). Je ne m'attribue jamais les travaux des autres.

Oui j'ai travaillé dans un laboratoire d’études du sommeil, chez l'homme, pas chez le rat, n'en déplaise à certains « collègues » chronobiologistes.

Oui j'ai travaillé au CHR de Lille avec de tout petits prématurés.

Oui je sais de quoi je parle quand je parle de rythmes biologiques.

À ce titre je ne cesse de réclamer qu'un travail soit mené avec les familles pour que soit respectée le plus souvent possible la régularité du rythme veille-sommeil des enfants, car tout le monde s'accorde sur les effets délétères sur leur développement de l'irrégularité de ce rythme.

S’agit-il de ces travaux qui seraient selon vous «  contestés » ?

Bien qu’universitaire, je sais aussi de quoi je parle quand je parle de l'école et c'est peut-être ça qui dérange.

Oui j'affirme depuis longtemps que la disponibilité des enfants pour les apprentissages (tous les apprentissages, pas que ceux que l'on continue d'appeler les « fondamentaux ») est bien supérieure le matin que l'après-midi. Je ne suis pas la première à l'avoir constaté, comme je l'ai souvent écrit. Alfred Binet (dont les travaux seraient apparemment ignorés par d'éminents professeurs de psychologie alors qu'il a eu un rôle plus que non négligeable dans l'installation de l'école obligatoire pour tous les enfants !), en 1906, exhortait déjà les enseignants de faire bénéficier leurs écoliers de la « clarté mentale » de la matinée ! Ce que je continue de conseiller aux enseignants avec lesquels je travaille mais en insistant auprès d’eux pour qu’ils aient une réflexion sur leurs pratiques d’enseignement permettant justement de préserver cette « clarté mentale ». Pourquoi croyez-vous qu'en 1996 on avait mis une organisation en place avec 6 matinées scolaires, dans un quartier très défavorisé de Lille ?

Vous semblez partager la même analyse, Monsieur le Ministre puisque vous ouvrez un site « cinqmatinées » ! Mais quid du contenu de l'après-midi?

Ce sont là « des (mes) travaux contestés » ?

J'explique aussi très souvent, en m'appuyant sur mes propres travaux publiés, mais aussi sur ceux de neuropsychologues, et également sur ceux de praticiens de l'apprentissage qui savent de quoi ils parlent, que les capacités attentionnelles des enfants sont dépendantes, pour partie de la régularité de leur rythme veille-sommeil, (voir infra), mais surtout aussi de leur motivation pour l'activité qui requiert de leur part d'être attentifs, de l'intérêt qu'ils ont pour ce qu'ils font, du sens qu'a pour eux la tâche qu'on leur demande d'accomplir. D'où le rôle fondamental des pratiques et des méthodes d'enseignement, des pratiques d'évaluations aussi qui doivent être au service des apprentissages de l’enfant. N'êtes-vous pas d'accord avec cela ?

Ce sont là « des (mes) travaux contestés » ?

J'invoque l'idée partagée par de nombreux chercheurs en éducation (Cf. Perrenoud, Meirieu, Mattéi, Rocheix entre autres), qu'on n'apprend pas à lire-écrire-compter-communiquer uniquement en mathématiques et en français. Freinet, en 1952, écrivait : « Si l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, si l’acquisition de la technique de base n’étaient possibles et rapides que dans l’atmosphère de l’école traditionnelle, nous nous inclinerions certes. (…..). Notre expérience démontre au contraire que, par le biais de l’affectivité et de la vie, nous atteignons plus facilement qu’avec toutes autres méthodes aux buts d’acquisition et d’instruction qu’on attend et qu’on exige de l’école. » [1]

Ce qui me permet, entre autres, de démontrer l'importance de faire acquérir aux élèves de l’enseignement primaire la capacité de transfert d'apprentissage, transfert étudié de longue date par les psychologues cognitivistes.

Ce qui m'amène souvent à évoquer la nécessité de développer chez l'enfant ses compétences en auto-évaluation via le développement de sa métacognition, mais aussi les différentes méthodes de travail comme l'apprentissage auto-régulé, l'apprentissage coopératif, l’apprentissage social pour un mieux-vivre ensemble. Qui se souvient des premiers travaux de Dewey autour du « learning by doing », rendant l’apprenant actif dont se sont ensuite inspirés outre Freinet, Claparède, Montessori, Decroly, Ferrière, Cousinet ?

Ce sont là « des (mes) travaux contestés » ?

J'insiste encore sur l'importance de donner un socle commun de connaissances sur les rythmes des enfants à l'ensemble des acteurs de la communauté éducative pour s'assurer que ceux-ci soient réellement respectés, en rappelant que c'est Alain Reinberg, l'un des pères de la chronobiologie française, qui disait déjà dans les années 1970 que pour bien respecter les rythmes biologiques il faut d'abord bien les connaître.

Ce sont là « des (mes) travaux contestés » ?

Je rappelle, en particulier aux élus, mais pas uniquement, qu'on ne peut bien aménager les temps qu'en aménageant aussi les espaces (salle de restauration, cours de récréation, coins détente et repos au sein des écoles....). Et bien sûr je donne des exemples de réalisations.

Ce sont là « des (mes) travaux contestés » ?

J'insiste encore énormément sur l'importance d'associer tous les acteurs de l'éducation de l'enfant (parents, qui sont avant tout les parents avant d'être acteurs éducatifs, enseignants, animateurs, atsem, élus, techniciens de la collectivité) dans la construction d'un projet éducatif ayant du sens par rapport au développement de l'enfant, pour marquer le rôle et la responsabilité de chacun dans toutes ces actions éducatives et pour ne plus laisser stagner l'éducation partagée, la co-éducation dans le virtuel.

Ce sont là « des (mes) travaux contestés » ?

Monsieur le Ministre, vous qui avez l'habitude de faire des sondages de satisfaction, accepteriez-vous d'en faire dans les 350 communes et plus que j'ai « visitées » et auprès des dizaines de milliers de personnes qui sont venues m'écouter pour savoir si mon intervention leur a apporté quelque chose d'utile ? (80000 visites sur mon site).

Je pourrais continuer ainsi longtemps mais j'aimerais savoir si pour chacune des questions précédentes vous pouvez affirmer que je suis dans l’erreur et que les travaux sur lesquels je m’appuie sont contestables et contestés. Vous avez affirmé publiquement cela sans aucune vérification ! C’était pourtant facile de le faire. Mais au-delà, pouvez-vous vraiment croire un seul instant qu'on puisse devenir, après de nombreux « concours » où le nombre de candidats pour le petit nombre de postes est très important, professeur des universités de classe exceptionnelle, officier des palmes académiques, sans jamais avoir publié ni avoir eu la reconnaissance de ses pairs ?  Le monde universitaire est un tout petit monde comme cela a été dit par un auteur de roman, le narcissisme et l'ego y sont monstrueusement surdimensionnés. Certains ne vivent que d'accusations portées sur les autres, en tant que psychologue j'affirme qu'il s'agit là d'un certain profil de personnalité pas forcément signe de bonheur et d’équilibre pour celui qui en est porteur. Personnellement je n'ai jamais trouvé le moindre intérêt à rendre publiques les connaissances acquises sur certaines attitudes peu conformes de certains collègues, y compris de ceux que d'aucuns estiment être « reconnus scientifiquement », pourtant les nombreuses responsabilités que j'ai assumées au cours de ma vie professionnelle, y compris nationales, m'ont donné l'occasion, bien malgré moi, d'accumuler de telles connaissances.

C’est toute cette expérience acquise que je m’efforce de partager avec tous ceux qui veulent, comme vous semblez également le vouloir, donner la priorité au bien-être des enfants et à leur épanouissement dans une école conçue pour la réussite de chacun d’eux. Hélas, certains conseils que vous semblez suivre vous éloignent de cet objectif.

Je suis prête à vous rencontrer pour en parler.

 

 

 

 



[1] L’éducateur N°6, année 1952-1953. La place de la sensibilité dans nos techniques. « Nous ne fabriquons pas des robots pour la criminelle machine capitaliste, mais les hommes sensibles et vivants qui, demain, reconstruiront le monde ».

 

On prend tout par le mauvais bout !

Le 01/06/2014

Cet article est une interview réalisée par Lucie Delaporte, de Médiapart. 

Le lien y donne accès pour les abonnés. 

Ceux qui ne le sont pas, peuvent me demander, via ce site, que je le leur offre, je leur enverrai avec plaisir. 

http://www.mediapart.fr/journal/france/300414/rythmes-scolaires-prend-tout-par-le-mauvais-bout

Non M. le ministre, on n'apprend pas que de 9 à 11

Le 01/06/2014

Cet article est paru sur Le Plus Nouvel Obs, 

http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1196936-rythmes-scolaires-non-m-hamon-l-apprentissage-ne-se-fait-pas-que-le-matin.html    

Non, M. Hamon, la disponibilité aux apprentissages n’est pas présente que de 9h à 11h.

Il est bien difficile de pouvoir échanger rationnellement autour de ce dossier, car chacun se l'approprie selon sa perception. Pourquoi ? Parce qu’on ne parle que de « rythmes scolaires », ce qu’aucun autre pays au monde ne fait. Ce terme, non scientifique, a été inventé en 70-80, quand les connaissances scientifiques sur les rythmes biologiques ont été reconnues par l'académie des sciences créant une nouvelle discipline, la chronobiologie. Il signifiait « adapter l’emploi du temps scolaire aux rythmes biologiques des enfants et adolescents ».

C’est dire que la préoccupation pour le « mal-être » des enfants à l’école est une vieille préoccupation en France, en tout cas elle existait déjà quand l’école fonctionnait sur 4 jours et demi, elle n’est pas apparue avec la semaine de 4 jours.

Et elle perdurera longtemps encore tant qu’on persistera à penser que la réussite des élèves est dépendante uniquement d’un nombre de jours par an ou d’un nombre d’heures par jour en classe et qu’on ne se préoccupera que de l’emploi du temps scolaire.

Non M. Hamon, la disponibilité aux apprentissages des enfants n'est pas présente que de 9h à 11h. Quand on les motive, qu'on donne du sens à tout ce qu'ils font, qu'on démarre le matin en évitant qu'ils ne s'énervent, qu'on alterne les activités selon leur coût cognitif, qu'on rend les enfants davantage acteurs de leurs apprentissages en les autonomisant plus qu'on ne le fait, qu'on les informe bien sur les objectifs à atteindre, qu'on leur apprend à s'autoévaluer et à profiter des erreurs qu'ils commettent, ils sont disponibles bien plus longtemps. Combien de temps vos enfants restent-ils attentifs devant leur jeu vidéo ? À quelle heure sont-ils capables de s'y mettre le matin si on les laisse faire ?

Comment votre ministère ne comprend-il pas que les capacités attentionnelles des enfants, leur permettant de réaliser une tâche rapidement et sans erreur, indispensables à la réussite des apprentissages sont principalement fonction de leur motivation pour l’activité qu’ils réalisent mais aussi de leur bien-être physiologique ? La motivation dépend grandement des pratiques et des méthodes pédagogiques utilisées, des modalités d’évaluations, de l’organisation du groupe classe, donc des enseignants ; mais le bien-être physiologique dépend avant tout de la régularité du rythme veille-sommeil de l’enfant et de la prise d’un petit déjeuner qui vient combler un vide après 12h de diète, donc des parents.

L'année scolaire impose 864 h annuelles obligatoires pour tous, soit moins de 10% du temps de vie total de l'enfant. (24h x 365 j. = 8760 h). En ne réorganisant que « les rythmes scolaires » on ne s’intéresse qu’à ces 10% ? (Les rythmes biologiques sont génétiquement programmés, on ne peut donc pas les « réformer » !). Ces mauvais usages terminologiques empêchent d’aborder le fond du problème.  90% du temps n’apporteraient donc rien de constructif au développement et à l’éducation des enfants ?

D'où l'importance pour moi de cesser de découper la semaine en petites rondelles comme le font des calculs sur des 1/2 journées, mais bien de traiter le problème autour de journées pleines : le temps d'une journée de l'enfant n'est pas que le temps de classe. On travaille alors sur l'ensemble de ces temps, en leur donnant le plus de cohérence possible permettant une continuité éducative entre eux, on ne les émiette plus et on ne saucissonne plus l'enfant.

C'est la façon dont ont travaillé les communes que j'ai suivies pendant plusieurs mois : elles ont construit un projet éducatif en associant parents, enseignants, atsem, animateurs municipaux, animateurs des associations désireuses de participer à ce projet ; l’ensemble des temps des jours pleins sont répartis pour que celui strictement scolaire soit le plus efficace possible pour les enfants, cette répartition étant associée à une réflexion pédagogique autour de son utilisation ; on réfléchit également aux contenus de chacun des différents temps et à la meilleure façon de transmettre ceux-ci ; on donne ainsi des temps longs et non des miettes de temps, aux animateurs ayant en charge les enfants hors de la classe ce qui permet de développer des parcours éducatifs avec objectifs à atteindre et évite de précariser ces emplois.

On regroupe tous ces temps non scolaires sur deux AM, diverses associations peuvent ainsi y participer, (au lieu d’un saupoudrage d'activités occupationnelles tous les jours, sans projet vrai), ce qui incite les enfants à s’inscrire dans les parcours ainsi mis en place : Paul Bron, membre du bureau du Réseau Français des Villes Educatrices  m’avait reproché ce choix d’organisation, car pour lui les enfants doivent pouvoir être repris par leur famille quand ils ne sont plus en classe. Combien de parents peuvent-ils le faire ? Ce bureau avait de ce fait refusé de soutenir la demande d’une ville membre du réseau proposant un tel projet, accepté, parce que co-construit, par tous les enseignants, parents et animateurs, pour la rentrée 2013 ! Mais sacrebleu, qui se souvient de la déclaration de Vincent Peillon, « aucun enfant ne sera hors de l’école avant 16h30 » ?[1] Quant à vous, M. Hamon, vous venez de rappeler que  « les activités périscolaires sont facultatives pour les élèves et pour les maires », lors de votre audition par le Sénat le 30 avril dernier ![2]

Paul Bron a redit le 25 avril dernier (page facebook)  que : « le temps péri scolaire devrait, à mon avis, rester « facultatif » », mais il déclare aussi que libérer des AM comme le revendique Claire Leconte, (oui, 2 AM, pas une seule, pour pouvoir équilibrer les journées des enfants), impose des jours de 6h. M. Bron, outre que le découpage en 9 1/2 journées n’empêche pas cela, sachez qu’il est démontré que 4h + 2h sont bien moins fatigantes que 2h45 + 2h30, car le matin est reconnu de longue date comme le meilleur moment de disponibilité aux apprentissages pour les enfants  ![3] .Pour divers auteurs, chez les jeunes enfants la classe devrait commencer tôt le matin. Moins fatigantes parce que sur 4h, de vrais aménagements des contenus, via l’alternance de séquences pédagogiques de coûts cognitifs différents (activités abstraites ou motrices ou de créativité), sont possibles ; on peut travailler sur les transferts d’apprentissage entre matières différentes, par ex. de l’EPS aux Maths ou des Maths à la musique, ce qui développe la motivation des enfants, ce qui ne peut se faire sur 2h45 où, le plus souvent, on n’y fait que des maths et du français. Or j’ai vu beaucoup d’emplois du temps de ce type en 2013 et pour 2014.

Avec un tel projet on peut ne recruter que des professionnels de l'animation qualifiés (ou pérenniser leur emploi) et y intégrer les associations déjà budgétisées par la commune ; en ne libérant pas les mêmes AM sur toutes les écoles, ces parcours sont offerts à tous les enfants, à tour de rôle (idem pour les communes rurales pouvant mutualiser leurs moyens au bénéfice de tous les enfants), ce qui réduit les inégalités territoriales. Cela divise par 2 les besoins en locaux et infrastructures chaque jour. Cela permet aux enseignants d'avoir 2 AM pour gérer toutes leurs activités souvent dites invisibles, mais pourtant bien réelles.[4] 5 matinées consistantes de 4h sont nécessaires pour que ce travail de réflexions sur les contenus, les méthodes et les pratiques puisse se concrétiser. Car cela permet d’y insérer les matières souvent dites « non fondamentales », or on sait qu’on n’apprend pas à lire-écrire-compter-communiquer uniquement en maths et en français.

Ce qui permet aussi aux enfants de maternelle d'avoir plus de temps pour leurs apprentissages au moment où ils sont les plus disponibles et sans qu’on n’ait besoin de sans cesse les bousculer. Ce qui limite les temps de siestes pris sur les temps en principe dévolus aux apprentissages. Ce qui permet aux enfants porteurs de handicaps de profiter des prises en charge complémentaires nécessaires à leur bien-être sans les faire sortir de la classe.

Pour les parents, l'organisation est rassurante, les jours sont identiques, 5 mêmes  matinées mais pas forcément successives, et 4 AM semblables, soit en classe, avec un allégement cognitif repérable soit en parcours éducatifs avec des adultes devenant des référents. À Lille, cette organisation mise en place en 1996 continue de mobiliser les enseignants et les parents pour qu’elle puisse perdurer.

Tout le monde doit s'associer à la construction d'un tel projet : les parents doivent entendre quel est leur rôle comme éducateur 1er de leur enfant dans le respect de ses rythmes biologiques, les communes doivent prendre conscience des formations devant être données à tous leurs professionnels et une réflexion entre enseignants et responsables des parcours doit être menée pour que ces temps ne soient pas juxtaposés mais entrent bien en synergie afin que les enfants repèrent une continuité éducative entre leurs contenus. Cela valorisera à leurs yeux les apprentissages réalisés en classe (ils sont utiles à l’extérieur), mais permet aussi aux enseignants de constater qu’ils pourront réinvestir en classe certains acquis réalisés dans ces parcours.

Enfin pour les nutritionnistes qui, selon le MEN, s’inquiètent de telles longues matinées, qu’ils sachent qu’en travaillant avec les familles sur la nécessité d'un vrai petit déjeuner, en offrant aux enfants au premier 1/3 de la matinée une pause avec fruit de saison et eau, aucun problème d'hypoglycémie en milieu de matinée. Les enfants alsaciens qui connaissent cette formule depuis plusieurs  générations peuvent en attester. Et les éventuelles craintes liées à une prise tardive du repas de midi peuvent facilement être effacées en demandant aux familles à quelle heure ont lieu les repas le week end.

On a tellement pris l'habitude en France de ne parler que des "rythmes scolaires", de n'y voir qu'un aspect quantitatif, plus de jours dans l’année, moins de temps de classe chaque jour,.., que plus personne n'y réfléchit de façon qualitative pour redonner du sens à tous les temps de vie des enfants. Ce dossier ne trouvera  jamais de conclusion positive si on continue ce type de réflexion plutôt que de considérer que c'est un aménagement de tous les temps via un projet éducatif dans lequel l'éducation partagée a du sens qui permettra, entre autres, de revaloriser les apprentissages faits en classe et d’améliorer substantiellement le bien-vivre l’école pour chaque enfant.

Bien sûr d’autres problèmes existent, en particulier l’inégalité territoriale de l’accueil des enfants à l’école (dans les locaux, les conditions de travail, les effectifs, les ressources complémentaires, l’accueil des plus jeunes), j’en reparlerai, mais ce problème bien traité démarrerait la refondation de l’école.

Il est urgent d’entendre que le bien-être et la réussite des enfants dépendent totalement de la qualité de vie professionnelle de tous les adultes qui l’encadrent tout au long de ses journées. Sans compter que la déstructuration des projets pédagogiques à la journée des centres de loisirs et le report d’activités extrascolaires après 18h ne répondent pas réellement aux besoins des enfants.

8 1/2 journées et la possibilité de moins de 24h/ semaine (avec modification des vacances) ouvrent la porte à de nombreuses dérives, mais empêchent les projets ambitieux de se mettre en place. Pourtant pour vous, il serait plus « gratifiant » d’avoir permis que se construisent des projets éducatifs ambitieux, dans lesquels l’éducation partagée acquiert la place qu’elle doit avoir dans le développement de l’enfant, permettant à l’école de renforcer son rôle premier de transmission des connaissances ; permettant de valoriser la prévention au détriment de la réparation des difficultés dans les apprentissages et de participer à la formation des citoyens de demain ayant appris à bien vivre ensemble.

Organiser la « semaine sur 5 jours allant du lundi au samedi, avec aucun de ces jours de plus de 6h d’enseignement », autoriserait ces projets éducatifs ayant fait leurs preuves depuis 17 ans et plus à Lille, Moulins, Munster et Épinal. Ils sont prêts dans le 74 (pas pour plus de ski), dans le 29, 63, 76, à Paris, en Ile de France entre autres.

Plutôt que de rendre obligatoire ce que Darcos proposait en dérogatoire[5], il serait utile pour la refondation de l’école, que vous reveniez aux propositions de Jospin[6], post-loi de 1989 dont tout le monde est en train d’oublier l’ambition qu’elle portait pour l’école mais aussi pour l’éducation des enfants. 

J'ai demandé, lors d'une audition au sénat (26 février), pourquoi cette réforme n'était pas portée en interministériel, (je l’avais proposé en 2012) avec JS, Culture mais aussi Famille, Santé, Travail car j'estime qu'elle doit s'inscrire dans un projet de société où le monde du travail accepte de revoir les contrats inacceptables pour certains parents à qui on impose des temps de travail sans cesse émiettés, des horaires insupportables pour une vie de famille normale. J'ai précisé que c'était pour un tel changement de société que j'avais milité pour un nouveau président. Il m'a été répondu que j'étais "généreuse".

Pourtant M. Peillon affirmait en octobre 2012 (2), qu’« un projet pour l'école est, comme l'a dit le président de la République, un projet de société ».

M. Hamon, vous qui êtes très engagé dans la réduction des inégalités, faire en sorte que les enfants ayant le plus besoin de retrouver le plaisir d’apprendre puissent accéder à ce plaisir, vous ne pouvez qu’entendre cette demande que je vous fais, avec bien d’autres, n’est-ce pas ?

Je vous remercie, pour eux, d’y répondre favorablement.



[1] Battaglia, Baumard, Collas, Le Monde.fr Éducation, 11/10/2012, « les devoirs se feront désormais à l’école ».

[2] Localtis.info, Rythmes scolaires : beaucoup de questions en suspens après l’annonce des assouplissements – Éducation, le 30 avril 2014

[3] Binet, 1906, aux enseignants : « faites bénéficier à vos écoliers de la clarté mentale de la matinée ».

[4] 44h hebdomadaires en moyenne de travail pour les PE selon un rapport de la DEPP sur l’année 2009-2010 et sont sous-payés (OCDE, regards sur l’éducation 2012)

[5] Décret N°2008-463 du 15-5-2008, article 2 - V

[6] Décret no 91-383 du 22 avril 1991

l'ORTF est de retour ?

Le 01/06/2014

Cet article est paru sur la tribune de Médiapart, 

http://blogs.mediapart.fr/blog/claire-leconte/260514/l-ortf-est-de-retour

L’ORTF est de retour ?

Claire Leconte

 

Comment aurai-je pu imaginer que le SLII (Service de Liaison Interministériel pour l’Information) d’Alain Peyrefitte allait être réactivé par un gouvernement de gauche, service qui à l’époque, organise des réunions avec les responsables de télévision pour élaborer « en commun les conditions dans lesquelles les réformes projetées seraient présentées au public ». Alain Peyrefitte déclare alors [1] : « grâce à une coordination dans sa conception, l’information (…) respecterait l’esprit et la lettre du projet gouvernemental et trouverait sa pleine efficacité ». (Cité par Aude Vassalo).

Certes je n’ai pas la prétention de croire que ma personne a tellement d’importance qu’elle pourrait nuire au projet gouvernemental concernant la mise en œuvre de la dite « réforme des rythmes scolaires », de plus je pense que dans l’affaire en question, il n’y a pas eu de liaison interministérielle, mais la situation que je vais ici évoquer m’a conduite à faire ce rapprochement.

J'avais eu plusieurs alertes quant à la non volonté du ministre de me rencontrer : la premlère a eu lieu quand, après une demande commune de rendez vous au ministère faite après la nomination de Benoit Hamon par le fondateur du C.E.D.R.E [2] et moi-même, après que la date ait été fixée, ce fondateur à été contacté pour apprendre que ne serait reçu à ce rendez vous que l'élu !! Dont acte.

Les autres alertes sont le fait qu’à plusieurs reprises des proches du ministre m’avaient fait savoir que je devais être reçue par lui, ce qui ne s’est jamais réalisé.

Mais plus récemment, c'est une intervention me semble-t-il plus grave du point de vue de l’éthique, à  mon encontre qui s'est produite.

J'ai été contactée vendredi 16 mai par un journaliste de France 5 qui préparait l’enregistrement d'une émission pour les Maternelles à laquelle l'équipe tenait absolument à me convier. Le tournage avait lieu le jeudi 22 au matin et ils recevaient Benoit Hamon.

Ayant pu accepter cette invitation, nous avons travaillé ensemble à la préparation de l’émission pendant plusieurs heures sur plusieurs jours. Une fois les choses calées par rapport à toutes les questions que la rédaction se posait, le journaliste s’est occupé de me réserver une chambre d'hôtel à Boulogne (pré-payée avec petit déjeuner) pour la nuit de mercredi à jeudi pour s’assurer de ma présence sur place le jeudi matin.

Mercredi soir, j’étais sur place, il m’a appelé à 21h30 pour m'expliquer qu'ils avaient travaillé toute la journée avec le conducteur de l'émission et s'étaient alors rendu compte que « ça coinçait au niveau du timing » ! Ils n'arrivaient plus à caser tout le monde sachant qu'il y avait un parent représentant les gilets jaunes et une directrice d'école primaire de Paris ! Et il était au regret de m'annoncer qu'ils se trouvaient dans l’obligation de se passer de ma présence !

Je lui ai fait part de mon grand étonnement quant au fait qu'ils ne se rendent compte que si tardivement de ce problème de timing, alors qu’ils sont tout à fait habitués à gérer une telle émission, qu’ils avaient contacté les personnes en connaissance de cause.

Il m'a alors donné le numéro de portable de sa rédactrice en chef qui lui avait dit que je n'avais qu'à l'appeler, ce que j’ai fait vers 22h15. Je l’ai eue rapidement, elle m’a confirmé que le timing trop serré les obligeait à faire des choix de casting et étant une émission d’abord pour les parents, il leur semblait justifié de ne conserver que le parent et la directrice d’école. Exit l’expert.

Je lui ai dit ne pouvoir croire que ce dédit n’était que le fait d’un problème de temps qui en principe se règle ensuite avec le montage final, que ce tournage se préparait depuis plusieurs jours et qu'ils avaient eu largement le temps de voir ce problème si tant est qu'il existait. J’ai bien senti la gêne des journalistes à ce moment là.

Monsieur le Ministre, comment voulez-vous me faire croire de telles fadaises ? Ces experts de la préparation de telles émissions auraient-ils donc été si mauvais qu’ils n’auraient pas perçu le problème avant de me faire venir jusque Boulogne Billancourt et de me réserver (en la pré-payant) une chambre d’hôtel pour s’assurer que je puisse être sur le plateau assez tôt le jeudi matin ? Évidemment que je ne peux le croire, mais reste à savoir qui alors, de vous ou de vos conseillers, ont jugé utile d’appeler la direction de France 5 pour donner l’ordre de ne pas me voir sur le plateau. Qui que ce soit je trouve le procédé parfaitement inadmissible et anti-démocratique.

Sont-ce vos conseillers qui voulaient absolument éviter une rencontre entre nous ? Éviter que je puisse potentiellement vous convaincre de la validité de mes idées ?

Certes, lors de ma dernière rencontre avec la conseillère de Vincent Peillon, la vôtre aujourdhui, nous avons une fois de plus eu un long échange sur l’incapacité du ministère d’entendre que le découpage de la semaine en 9 demi-journées émiette tous les temps des enfants et ne sert pas la cause d’un mieux-apprendre, ce que pourrait faire une organisation en journées pleines, en libérant des après-midi, ce qui permet aux communes ayant une réelle ambition éducative d’utiliser au mieux l’ensemble des ressources qui sont les leurs. Choix fait par toutes les communes avec lesquelles je travaille depuis un an.

Or cette conseillère n’a cessé de me répéter que ce refus venait de ce que le ministère craignait que la plupart des communes s’empressent de choisir le vendredi après-midi alors même que son combat était d’éviter de rallonger plus encore le Week end. Madame la conseillère, il aurait suffi pour ce faire de ne pas rendre dérogatoire le samedi matin. Je passe sur l’échange assez ubuesque que nous avons eu alors. Et dois bien constater qu’aujourd’hui ses arguments de l’époque ne peuvent plus avoir de résonance !

J’ajoute ici que le DGESCO de l’époque, que j’avais aussi plusieurs fois rencontré, avait quant à lui des préoccupations qui m’avaient semblé plus que contestables, puisqu’il m’avait affirmé : « madame Leconte, vous connaissez comme moi les Professeurs des écoles, que feraient-ils si on les libérait des après-midi » ???

Toutes leurs activités invisibles, dans de meilleures conditions que ça n’est le cas actuellement, me semble-t-il, monsieur le DGESCO.

Vous reprenez ce ministère et vous vous laissez convaincre par vos conseillers qu’il vaut mieux ne pas me rencontrer.

Oui, Monsieur le Ministre, je souhaitais pouvoir échanger avec vous lors du tournage de cette émission, en voici les raisons principales :  

A.  D’abord deux questions précises à vous poser :

  1. pourquoi avez-vous jugé utile, votre prédécesseur comme vous-même, de vous servir du décret Darcos, émis sous un gouvernement de droite, avec une économie particulière quant aux objectifs de ce décret, pour organiser la semaine des écoliers, soit en la découpant en demi-journées (choix largement contesté par le rapport Tabarot de décembre 2010), plutôt que de repartir sur le type d’organisation de la semaine proposé par la loi Jospin de 1989, particulièrement ambitieuse en ce qui concerne l’éducation de l’enfant, qui proposait elle un étalement des temps d’apprentissages sur 5 jours, sans découpe particulière en demi-journées.
  2. Pourquoi subitement vous est-il apparu important de limiter la demi-journée de travail à 3h30 (possiblement plus longue par dérogation avec le décret Peillon) quand on sait que les écoliers alsaciens, entre autres, vivent sur des matinées de classe de 4 heures depuis de nombreuses générations sans que cela ne les perturbe !

J’attendais évidemment des réponses argumentées en direct à ces deux questions.

B. Vous démontrer que mes remarques critiques n’ont rien à voir avec « des divergences entre chronobiologistes », comme vous le dites y compris lors de votre audition au sénat. Certes je ne trouve absolument pas utile de s’appuyer sur la courbe de vigilance (qui, par ailleurs, est une donnée de chronopsychologie et non de chronobiologie) pour mettre en œuvre la refondation de l’école via des changements dans les emplois du temps.

En fait toutes les interventions qu’il m’a été demandé de faire, auprès des enseignants, des parents, des animateurs, des élus, des techniciens de collectivités, consistent à montrer l’importance que tous ces acteurs de la communauté éducative aient un socle commun de connaissances sur les rythmes biologiques des enfants et l’importance de la régularité du rythme veille-sommeil, y compris lors des petites vacances. Ce qui n’est absolument pas fait de façon généralisée à l’heure actuelle. Et à côté de ces connaissances incontournables sur les rythmes biologiques, c’est de pédagogie dont je parle, car je suis professeur de psychologie de l’éducation, ce qui m’a conduite à former cette année plusieurs milliers d’enseignants et des conseillers pédagogiques, soit à la demande d’IEN soit à la demande de syndicats, mais aussi des IEN à la demande de DASEN.

Si ces demandes en formation continuent de m’être faites, je peux faire l’hypothèse que celles que j’ai réalisées sont apparues utiles à leurs destinataires. De fait visiblement cela convainc tous ces interlocuteurs de la nécessité d’une formation commune de tous pour que puisse se construire, au service de chaque enfant, un projet éducatif sur la base d’une éducation partagée non virtuelle.

Est-ce cela qui vous fait peur ?

C. Vous faire comprendre que si on ne change pas fondamentalement le fonctionnement actuel de l’école, ce qui n’a strictement rien à voir avec le nombre d’heures et de jours, mais avec le fait d’amener les enseignants à réfléchir à l’utilisation la plus pertinente possible, pour améliorer les apprentissages, des temps et des contenus de ces temps scolaires, la réussite attendue des élèves les plus en difficulté ne risque pas d’être au rendez vous malgré votre rajout d’une cinquième matinée, parfois réduite à peau de chagrin.

C’est Bernard Toulemonde, qui écrit : « Le vrai changement serait de modifier les pratiques pédagogiques afin que tous les enseignants travaillent vraiment autrement avec leurs élèves ». [3]

Quant à Bruno Suchaut il constate : « Il existe une distance parfois très grande entre la durée officielle du temps d’enseignement et l’utilisation effective de ce temps par les élèves ». (…) « En résumé, de nombreuses études ont permis de mieux connaître l’influence du temps d’enseignement sur les apprentissages des élèves même si celles-ci ont eu en fait assez peu d’écho dans le contexte français. La problématique du temps a en effet été presque exclusivement abordée sous l’angle des rythmes individuels des enfants et donc assez peu sous son aspect pédagogique et didactique ». [4]

D. Vous faire entendre qu’avec les travaux, les écrits et les formations que je fais depuis tant d’années, je suis très peu disposée à croire que la pilule miracle pour une meilleure réussite des enfants, est de croire uniquement en un meilleur apprentissage entre 9h et 11h. J’espérais naïvement parvenir à vous donner une autre perception de ce que pourrait être ce changement pour qu’il représente réellement une réforme. Car je vous ai aussi plusieurs fois entendu, comme au sénat, dire que la seule chose qui vous préoccupe vous, c’est l’école.

E. Vous évoquer les très nombreuses rencontres que j’ai faites à travers les 350 conférences réalisées à ce jour partout en France y compris dans des zones très reculées, et vous faire entendre que contrairement à ce qu’on peut vous faire croire, la refondation de l’école n’est pas en marche. Mais les mêmes conseils vous sont visiblement donnés que ceux donnés à votre prédécesseur, il vaut mieux que je ne puisse pas vous en parler.

Je ne sais et ne saurai probablement jamais, qui est à l’origine, vos conseillers ou vous-même, de cette demande à la direction de France 5 de faire en sorte que je ne sois pas présente sur le plateau de l’émission, mais je me permets de vous dire qu’outre le manque de considération pour ma propre personne (avertie le soir à 22h30 entre tous les déplacements prévus sur cette semaine là, la veille du tournage) tout à fait inacceptable, je trouve particulièrement irrespectueux du travail des journalistes, qui construisaient cette émission depuis plusieurs jours, le fait de leur imposer de tout reconstruire en quelques heures.

Politiquement parlant vous seriez gagnant à accepter de vous intéresser aux projets éducatifs de qualité construits dans des communes fort différentes, nécessitant des dérogations particulières pour pouvoir être mis en œuvre si on continue de découper la semaine en un certain nombre de demi-journées. Ces projets, construits sur 4 jours 1/2, l’ont été en associant tous les acteurs de la communauté éducative, ont comme objectif que tous les enfants bénéficient au mieux de tous les temps ainsi réorganisés, pour mieux apprendre, mieux vivre l’école, mais aussi s’ouvrir Culturellement. Les enseignants se sont mobilisés pour modifier leurs habitudes de fonctionnement, les parents ont bien pris la mesure de leur responsabilité éducative, les animateurs ont perçu le rôle qui sera le leur.

Sans parler de ces mêmes projets qui vivent depuis une vingtaine d’années, à Lille, à Munster, à Épinal, pour la plus grande satisfaction de tous.

Mais souhaitez-vous vraiment que de tels projets existent ?

Il est difficile de comprendre qu’on puisse vouloir casser une organisation sur 4 jours 1/2 qui fait ses preuves depuis tant d’années sous le seul prétexte qu’elle doit être sur 8 ou 9 demi-journées !

Vous avez, d’une façon ou d’une autre, fait en sorte de ne pas me rencontrer en vous servant de votre autorité ministérielle, ce qui est difficilement compatible avec la vision que j’ai d’un état démocratique, mais au moins me lirez-vous ?

Les enfants pour lesquels je milite depuis tant d’années, le méritent bien me semble-t-il.



[1] Note d’Alain Peyrefitte à Pierre Mesmer – 19/01/1965

 

[2] Collectif des Élus Démocrates et Républicains à l’Éducation

[3] « Il n'est pas exclu que le système éducatif s'effondre s'il ne se réforme pas » (Bernard Toulemonde, ex-Igen)

[4] Bruno Suchaut : Les rythmes scolaires prisonniers du temps -

Rencontre territoriale co-organisée par les délégations Bretagne et Pays de la Loire en partenariat avec l’Association Nationale des Directeurs Education des Villes (ANDEV), 2013

 

un sondage pour quoi faire ?

Le 31/05/2014

Une refondation à coup de sondages ? !

Qui suis-je exactement ? Je ne suis pas élue, donc ne suis pas en attente du prochain « coup » pour conserver mon poste, comme cela m’avait été dit lors des ateliers pour la concertation au cours desquels j’avais osé dire qu’il faudrait utiliser l’année 2013-2014 pour mettre en place toutes les formations indispensables pour donner un socle commun de connaissances à l’ensemble des acteurs de la communauté éducative, seul moyen de permettre la construction de projets éducatifs sur la base réelle des besoins des enfants ; ce à quoi il m’avait été dit par de nouveaux députés et des élus municipaux, « mais tu n’y penses pas Claire, en 2014 il y a les municipales » ! Ah oui, c’est vrai, nous sommes dans un pays où des élections ayant lieu tous les deux ans, il faut toujours prévoir le coup d’après, donc surtout ne pas s’engager dans un changement nécessitant du temps. Mais en même temps on reconnaît ainsi que les élus ne sont pas suffisamment adultes pour accepter de mettre en route la construction d’un projet, qui étant au seul bénéfice des enfants de la collectivité, pourrait être poursuivie quelle que soit l’équipe municipale suivante ! C’est un constat bien triste sur l’intelligence politique de notre pays !  

Je ne suis pas rédactrice en chef d’une revue subventionnée par l’état, au contraire j’ai dû accepter de participer financièrement à un appel pour une contribution exceptionnelle afin d’éviter à une revue de disparaître étant donnée la coupe de subventions de l’état, je ne suis pas présidente d’une association ou d’un observatoire ou d’une fédération subventionnés par l’état, je n’utilise pas les interventions qui me sont demandées comme un fonds de commerce, je peux même avouer que je mets le compte familial en permanence dans le rouge car j’avance tous les déplacements que je suis obligée de faire et certains d’entre eux ne m’ont pas encore été remboursés alors qu’ils datent d’un an !

En revanche, je milite depuis toujours pour une école capable de permettre à chaque enfant de réussir, pas uniquement scolairement, mais sa vie future.  Ayant élevé cinq enfants, j’ai milité pendant 30 ans sans discontinuité au sein de la FCPE, car il y a eu 30 ans entre l’entrée à l’école de mon aîné et la sortie de l’école de ma dernière. Et j’ai aujourd’hui 12 petits-enfants.

Ceci pour dire que j’ai toujours tout mis en œuvre pour préserver mon esprit critique, pour ne subir aucune influence de qui que ce soit, que je suis totalement libre des propos que je tiens, mais que je ne m’autorise pas à dire n’importe quoi, juste pour prendre la parole. Tous mes propos s’appuient sur des expériences vécues.  

Alors que j’ai travaillé au mieux avec les ministères sous Mitterrand mais aussi sous la première présidence de Chirac, visiblement mes positions ne convenaient plus à Luc Châtel mais pas plus à Vincent Peillon, malgré sa visite dans l’école expérimentale lilloise lors de la campagne présidentielle, pas plus non plus à Benoit Hamon, que lui je n’ai jamais eu l’occasion de rencontrer : donc son point de vue me concernant ne peut qu’être le fait de ses conseillers.

Cela me surprend d’autant plus que visiblement, sur le terrain, ces positions passent très bien et m’amènent à recevoir chaque jour des dizaines de mails pour demandes de conseils, quand ce ne sont pas des appels à l’aide.

Pourquoi ce nouveau billet ?

D’abord parce que je m’étais dit que si Benoit Hamon était intervenu pour que je ne le rencontre pas en public sur un plateau télé, c’est en partie parce qu’en fait il a purement et simplement « piqué » certaines de mes propositions, et que peut-être il ne voulait pas que je lui rappelle les principes de la propriété intellectuelle.

Il n’a pas repris dans mes propositions celle consistant à réclamer le retour à une semaine de 5 jours allant du lundi au samedi, mais en revanche, il le fait quand il déclare qu’il faut aider les communes rurales à mettre en place un projet de qualité, possible grâce au regroupement des activités sur une après-midi, plus économique et plus susceptible de leur permettre de recruter des personnes qualifiées.

Car qu’avais-je écrit dans les propositions publiées sur le site du ministère lors de la concertation pour la refondation, en septembre 2012 ? à propos des responsables de  collectivités :

« Il faut surtout penser que plus l’organisation des temps sera bien réalisée, mieux ils pourront recruter des professionnels formés. C’est évidemment plus difficile à faire quand on doit recruter des personnes (y compris bénévoles) sur des temps totalement émiettés, une heure le matin, une heure le midi, et éventuellement une heure, au mieux, en fin de journée. Car pour ces personnes il faut en général rajouter un temps de déplacement important. (…)  De même aménager les temps  périscolaires doit se faire en y consacrant des plages temporelles suffisamment larges pour autoriser une vraie professionnalisation des intervenants. ».

Et pour la classe, j’écrivais : « C’est dire qu’il est plus important de considérer que les pratiques d’enseignement et l’organisation des séquences pédagogiques vont jouer un rôle important dans le maintien attentionnel de l’enfant au cours de la journée, sachant par ailleurs que l’alternance efficace de séquences pédagogiques (entre les séquences coûteuses cognitivement et les autres) va avoir un effet très positif sur la mobilisation des enfants tout au long des apprentissages.

Ainsi serait-il intéressant de proposer un allongement des matinées, qui permet beaucoup mieux ce type d’alternances, y compris en y intégrant des activités d’EPS ou d’art plastique ou de pratiques scientifiques, plutôt que de ne consacrer les matinées qu’aux maths et au français. ». Ce que j’ai longuement précisé dans divers écrits par la suite envoyés aux élus qui me les demandaient.

Or que dit la circulaire de M. Hamon pour la rentrée ? « Tous les domaines d'enseignement nécessitent de la concentration et de l'investissement de la part des élèves ; la répartition des séances entre matinée et après-midi concerne ainsi tous les enseignements. Les matinées ne sauraient être réservées au français et aux mathématiques même si ces périodes, pour la plus grande partie du temps, sont particulièrement favorables aux apprentissages exigeants. Ainsi la matinée supplémentaire qu'apporte la réorganisation de la semaine scolaire doit-elle être pleinement exploitée. Il convient également de trouver une bonne alternance entre des activités qui mobilisent de manière variée les élèves (sur le plan cognitif, en matière d'expression, dans les domaines moteurs, sur des supports traditionnels ou numériques, etc.) et qui les mettent dans des situations aux finalités différentes : recherche, structuration de connaissances, entraînement, mémorisation. »

C’est du plagiat non ? Je vais réclamer des droits d’auteurs !

C’est vrai que me revient alors en mémoire ce que m’a dit l’ancien DGESCO lors de notre dernière rencontre en décembre, à savoir que s’il n’était pas d’accord avec les écrits que je faisais et qui pouvaient donner à penser que le ministère fait n’importe quoi, il était en revanche d’accord sur mes attentes fortes pour que des changements dans les pratiques pédagogiques aient lieu, ce qui nécessitait pour ce faire une formation y compris continue des enseignants. Il avait alors déclaré qu’il pensait utile que j’accepte de les aider à mener à bien ces réflexions pédagogiques. Cette proposition de décembre 2013 est restée lettre morte.

Mais un DASEN avait lui aussi constaté publiquement qu’il aimait toujours m’entendre parler de mes propositions pédagogiques.

Trêve de plaisanterie, on nous sort aujourd’hui un sondage du CSA, évidemment immédiatement relayé par tous les médias, qui, sans complexe aucun, osent affirmer que « 69% des français sont favorables à la réforme » ! Soit, en chercheuse habituée  à aller aux sources des informations, j’y suis allée.

Commençons par l’échantillon, 1017 personnes de 18 ans et plus, constitué d’après la méthode des quotas, (sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle du chef de ménage (à partir de 18 ans ?), et il nous est affirmé que les français identifient un certain nombre de bénéfices liés à la réforme, notamment pour l’apprentissage des élèves.

66% des personnes interrogées estiment que l’année scolaire qui se termine s’est bien déroulée (47% estiment qu’elle s’est plutôt bien déroulée et seulement 19% qu’elle s’est très bien déroulée). Mais on ajoute que ce sont 92% parmi les parents directement concernés, à savoir ceux ayant des enfants scolarisés, qui le sont (57% plutôt bien et 35% très bien)! Oups ! Quel est le pourcentage de ces parents parmi les 1017 interrogées ? Et que sont les autres alors qui s’expriment sur une année qui ne les concerne pas !!! On apprend que 72% des 18-24 ans partagent cet avis ! En quoi sont-ils concernés par la réforme sur laquelle soit-disant on fait ce sondage ?

Par ailleurs il n’est nulle part dit combien de ces personnes interrogées ont des enfants qui sont passés à 9 demi-journées et combien sont encore à 4 jours !

On apprend ensuite que 94% des personnes interrogées estiment que donner la priorité à l’école primaire est un objectif qui doit être important pour le ministère ! (66% très important et 28% plutôt important).

Sincèrement qui oserait dire que ce ne doit pas être un objectif important ? Pour autant est-il atteint actuellement par le ministère ? Ce n’est pas ce que demande la question !

Autre enseignement, la concentration des enseignements le matin à l’école primaire est jugée bénéfique par une majorité de français et de parents d’enfants scolarisés car elle permet d’apprendre dans de meilleures conditions.

Monsieur le ministre, comme je ne cesse de le dire dans mes conférences, et comme je l’ai écrit depuis des mois et des mois sur mon blog, le psychologue Alfred Binet, en 1906, conseillait déjà aux enseignants avec lesquels il travaillait de « faire bénéficier leurs élèves de la clarté mentale de la matinée » ! C’est bien pourquoi d’ailleurs je ne parviens pas à comprendre pourquoi subitement, dans le décret Hamon, on a décidé de brider les matins à 3h30, qui permettent beaucoup moins bien de faire s’alterner les séquences pédagogiques que ne le permettent les matinées de 4h utilisées depuis des générations dans plusieurs départements de notre pays.

Et finalement on apprend donc que ces 69% des français favorables à la réforme vantés par tous les médias quels qu’ils soient, sont en fait 37% à considérer tout à fait, et 32% à considérer plutôt, que concentrer les enseignements de l’école primaire le matin permet aux élèves de bénéficier de bonnes conditions pour mieux apprendre.

Or cela ne fait, pour moi, qu’enfoncer une porte ouverte !

Par contre, ce que semblent avoir passé sous silence tous les médias qui se sont rués sur ce sondage, c’est que seuls 51% des français (22% tout à fait et 29% plutôt) consultés considèrent que cette réforme aura la capacité de lutter contre l’échec scolaire (64% des sympathisants socialistes contre 46% des sympathisants UMP),  mais pire, 50% des parents d’enfants scolarisés pensent qu’elle ne sera pas un levier pour cette lutte, contre 47% qui pensent qu’elle le sera. 

Et le sondage affirme que les français sont encore plus nuancés quant à l’impact de ces nouveaux emplois du temps sur la réussite de chaque élève : ils ne sont que 52%  (23% tout à fait et 29% plutôt) à penser que les activités périscolaires de l’après-midi créeront les conditions favorables à la réussite de chaque élève, et seuls 39% des parents d’enfants scolarisés partagent ce point de vue !

89% (61% tout à fait) des parents et 86% (66% tout à fait) de ceux d’enfants scolarisés en primaire estiment qu’elle sera compliquée à mettre en place dans certaines communes et 85% que cela générera des contraintes d’organisation pour certaines familles.

En bon politique qu’il est, Benoit Hamon a rapidement parlé d’assouplissement lors de son arrivée, a même évoqué un « décret Peillon trop strict » ! il avait alors déclaré : « Je ne m’interdis rien. Il y a deux temps dans une réforme : celui du texte, de l’abstraction » – qu’en pense son prédécesseur ? – « puis celui de la réalité ». « Ce second temps me revient. »

Monsieur Peillon, que n’avez-vous voulu m’écouter lorsque dès janvier 2013 je vous avais écrit pour faire part de mes inquiétudes quant à la faisabilité de ce que vous proposiez ?

Alors certes Monsieur Hamon a pris la balle au bond, mais il n’a malgré tout pas eu tout à fait les bons conseils, car assouplir en conservant le découpage en demi-journées plutôt que de repartir sur une semaine de 5 jours ouvre la porte à de nombreuses dérives déjà perceptibles sur le territoire. Dire que l’on passe de 9 à 8 demi-journées renvoyait au fait évident qu’on remplace une matinée supplémentaire par une après-midi en moins, cela ne m’est pas apparu comme étant le bon schéma pour inciter toutes les communes à construire des projets éducatifs de qualité.

Quoi qu’il en soit, et c’est là qu’on voit que les médias ne sont pas à une contradiction près, alors qu’ils nous ont annoncé que 69% des français sont favorables à la réforme (sur la base de l’année qui vient de s’écouler, donc avec la réforme Peillon si on suit l’idée de départ), ils sont 67% à juger que les assouplissements proposés sont plutôt une bonne chose !

Difficile de comprendre qu’on peut être à la fois satisfait tout en attendant des assouplissements !

C’est juste parce qu’à aucun moment il n’a été demandé dans ce sondage ce que pensaient les personnes interrogées de ce qu’il se faisait actuellement dans les écoles passées à 9 demi-journées.

Mais ma question finale est : à quoi jouent les médias qui relaient ainsi immédiatement des sondages sur lesquels on peut quand même s’interroger quant à leur utilité, surtout en ne s’intéressant nullement à l’analyse qui devrait en être faite.

C’est de nos enfants dont il s’agit, il me semble qu’ils méritent un peu plus de respect sur les informations à délivrer au public pour que celui-ci puisse se faire une opinion non biaisée.

Je ne vais pas être cruelle jusqu’à demander combien a coûté ce sondage pour le ministère !

 

 

À Monsieur le Ministre "rythmé" ? !

Le 28/05/2014

À monsieur le ministre « rythmé » ?!

 

J’ai toujours aimé écrire, et quand la coupe est pleine, j’ai besoin d’écrire.

Comme Monsieur le ministre a préféré n’être confronté qu’aux questions des chroniqueurs lors de l’émission les Maternelles, plutôt que d’avoir à me répondre en direct, je me dois quand même d’apporter des compléments d’informations qu’il ne semble pas connaître, pas plus d’ailleurs que ses conseillers.

Il ne cesse de répéter qu’on ne peut faire rester attentifs des enfants plus de 3h30 par demi-journées, sur quelles évaluations ? Je ne le sais, alors même qu’en Alsace et en Moselle, les enfants connaissent des matinées de 4 heures depuis des générations ! Mais est-il déjà allé dans ces territoires ?

Et comme je m’appuie souvent sur une organisation qui en est à sa 18ème année, j’ai décidé de donner la parole aux acteurs directement concernés.

Malheureusement je ne peux le faire pour les enfants, car leur satisfaction apparaît dans une cassette vidéo qui avait été tournée dans l’école, et sur laquelle on entend ces enfants dire que ça ne les dérange pas du tout de travailler 4 heures le matin parce qu’ils savent très bien que l’après-midi ils vont passer à autre chose. Et ils préfèrent de loin cela, car ils font l’après-midi beaucoup de choses qu’ils n’auraient autrement jamais eu l’occasion de faire !

Pour la suite, je donne la parole aux parents, aux enseignants, aux animateurs.

Vous aurez aussi une rencontre avec journalistes.

Et à la fin de cette présentation concernant l’école lilloise, vous aurez la surprise de la présentation d’un autre groupe scolaire, qui avait fait le même choix que nous, et qui a aussi bénéficié d’une évaluation.

Bonne lecture, et une fois de plus, comment faire pour que le ministre si préoccupé du bien-être et de la réussite des enfants, si préoccupé de l’école et d’ailleurs uniquement d’elle, lise ces documents particulièrement parlants ?

 

Les parents d'éléves

École Philippe de Comines

Rue Victor Duruy

59 000 Lille

À

Martine AUBRY

Maire de Lille

Place Augustin Laurent

59000 Lille

 

Lille le 14 novembre 2013 

Objet : Demande de maintien du dispositif ARVEJ (Aménagement des rythmes de la vie de l'enfant et du jeune) du groupe scolaire Victor Duruy

Madame le Maire,

Vos collaborateurs nous ont annoncé, lors du Comité de pilotage ARVEJ du 5 novembre 2013, que l'organisation scolaire particulière dont bénéficie l'école maternelle Philippe de Comines de Lille depuis 1996 est remise en cause à la rentrée 2013-2014.

En qualité de parents d'élèves, nous sommes convaincus des bienfaits de ce dispositif pour nos enfants et notre quartier. Vous trouverez ci-joint une lettre ouverte détaillant notre point de vue signée des parents d'élèves, ainsi que des témoignages individuels de parents.

Bien que nous soyons conscients des contraintes budgétaires liées à la poursuite d'une telle expérience, nous ne pouvons comprendre qu'un projet, dont tout le monde s'accorde à dire qu'il est exemplaire, soit stoppé pour cette seule raison.

Vous avez largement contribué à la réussite de ce projet atypique, et pouvez être fière d'avoir cet exemple "d'école idéale" dans un quartier populaire de Lille. Ainsi, nous espérons vivement que vous ferez une demande de renouvellement du droit à l'expérimentation au titre de l'article L 401-1 du code de l'éducation qui permet encore un fonctionnement exceptionnel dans certaines écoles. Les Villes de Lomme et Angers l'ont par exemple obtenu en 2013.

 Cette demande devant être formulée au plus tard début décembre, nous sollicitons une audition avec vous très prochainement afin d'échanger sur l'avenir de nos enfants dans cette école et leur épanouissement dans le quartier de Moulins.

Nous vous prions d'agréer, Madame le Maire, nos sincères salutations.

Les représentants de parents d’élèves

Pièces jointes :

Lettre ouverte signée des parents

Témoignages individuels des parents

Liste et coordonnées des représentants des parents d’élèves

 

Copie

Madame Luciani Inspectrice Départementale de l'Education Nationale

Monsieur Vion, Directeur général adjoint chargé des affaires sociales et de l'éducation à la Ville de Lille, Madame Magne Florence Directrice générale adjointe Déléguée à l'éducation

Monsieur Christian Wassenberg, Directeur académique des services de l’Éducation Nationale

Monsieur Malle, délégué au Ministre de l'Education Nationale

                                             

Madame le Maire,

 

            L'école maternelle Philippe de Comines jouit d'une réputation exceptionnelle auprès des parents d'élèves dans la métropole lilloise. C'est d'ailleurs ce qui pousse des parents n'habitant pas le quartier de Moulins à y scolariser leurs enfants. C'est aussi ce qui permet dans ce quartier plutôt défavorisé de créer une mixité sociale enrichissante pour tous. Ces échos positifs font état d'un grand nombre d'activités culturelles et éducatives proposées aux enfants, d'un véritable projet d'école qui anime des enseignants particulièrement dynamiques et d'une organisation scolaire adaptée aux rythmes des enfants.

Nous pouvons témoigner que nos enfants gagnent en effet beaucoup à fréquenter cette école et à bénéficier du projet A.R.V.E.J.

Ils découvrent grâce aux animateurs de l'A.R.V.E.J. la circomotricité, les sports de glisse, les danses folkloriques, l'informatique, le Land Art, le langage des signes, les expérimentations scientifiques, les ateliers de cuisine, le théâtre d'ombres ainsi que les plaisirs de la lecture et de la musique. Ils sortent aussi de leur univers citadin et apprennent à observer la faune et la flore à la forêt de Phalempin. Nos enfants fréquentent les espaces culturels, associatifs et de loisirs du quartier tels que la Maison Folie de Moulins, Filofil ou encore le Cirque du Bout du Monde. A cette ouverture culturelle, que beaucoup de parents ne peuvent prendre en charge, s'ajoute l'aspect humain : les animateurs de l'A.R.V.E.J. sont des professionnels inventifs qui ont de grandes qualités relationnelles avec les enfants. Nos enfants développent à leur contact un esprit citoyen et de rencontre, un appétit pour les découvertes et une capacité d'adaptation, habitués qu'ils sont à changer d'interlocuteur deux après-midi par semaine, ainsi qu'une confiance réelle dans les adultes, tous bienveillants envers eux. Tout ceci concourt à ce que nos enfants aiment aller à l'école et s'y sentent bien car c'est un lieu où il fait bon vivre.

Les parents que nous sommes se sentent aussi accueillis et écoutés dans cette école puisque le matin un temps de dialogue est permis avec les enseignants. La salle de classe est un lieu d'échange et de convivialité où nous pouvons participer à certaines activités scolaires de nos enfants : reconnaître son prénom, lire des histoires... Cette proximité permet à certains parents méfiants à l'égard de l'école et des institutions républicaines de se les réapproprier. D'autre part, nous sommes sollicités régulièrement pour participer aux activités de l'après-midi ainsi qu'aux journées portes ouvertes organisées par les animateurs de l'A.R.V.E.J. le samedi matin. On découvre alors les pratiques de nos enfant lors des ateliers.

L'organisation scolaire en cinq longues matinées de quatre heures est selon nous un point fort dans cette école car nous savons que nos enfants sont bien plus attentifs et disponibles pour les apprentissages fondamentaux à ce moment-là. De plus, des pauses sont aménagées avec une collation et une récréation qui « coupent » la matinée et  les enseignants alternent les différents apprentissages comme le Français, les Mathématiques, le Sport ou les Arts Plastiques en créant du lien entre elles. Il nous semble que c'est aussi cela qui évite la lassitude chez nos enfants. Nos enfants sont d'ailleurs d'autant plus concentrés le matin qu'ils savent que leur après-midi sera allégée ou plus ludique. Les deux heures d'ateliers sont assez longues pour qu'ils puissent profiter pleinement des activités de découverte. Nous constatons par ailleurs unanimement que nos enfants ne sont pas fatigués par leur journée d'école qui est adaptée à leur rythme.

Enfin ce projet d'école crée un lien fort entre les enseignants qui ont la conviction qu'il est bénéfique aux enfants, il les soude et les motive pour organiser toujours plus de sorties et de projets éducatifs : exposition des œuvres des enfants à la Maison Folie, sorties régulières à la Bibliothèque, au Cinéma et dans les différentes expositions lilloises, Classes vertes, sorties à la découverte du Moyen-âge etc... Par ailleurs, leur souci est constant de relier les ateliers de    l'A.R.V.E.J. aux apprentissages de l'école maternelle et de privilégier la qualité et la concertation.

Or tout cela est remis en cause à la rentrée prochaine puisque nous devrons revenir à un rythme de  3 heures de classe le matin et 3 heures l'après-midi, que les élèves ne bénéficieront plus que d'une heure trente d'activités au lieu de deux après-midi aujourd'hui, ce qui ne permettra pas d'organiser des sorties en dehors de l'école et appauvrira les projets éducatifs et culturels. Certes il s'agira de cinq matinées de classe mais trop raccourcies pour permettre un véritable bénéfice. 

Nous nous interrogeons sur l'intérêt d'un tel retour en arrière alors que cette école est citée en exemple par des experts scientifiques, que les enseignants notent chez nos enfants plus d'attention, d'autonomie et de curiosité qu'auparavant. En plein débat sur la modification des rythmes scolaires, nous voulons que notre expérience serve la cause de l'école de quatre jours et demi, étant certains qu'elle favorise la réussite des élèves, leur épanouissement et leur insertion dans le groupe. Pourquoi alors priver des enfants pour certains défavorisés d'une telle ouverture culturelle et de compétences supplémentaires ? Pourquoi risquer de démotiver une équipe enseignante exemplaire ? Pourquoi défaire ces liens entre l'école et le quartier ? Pourquoi risquer que les familles les plus aisées se détournent de l'école (beaucoup de parents l'ont déjà évoqué) ?

Enfin, dans une ville qui se veut le être le fer de lance national de l'accès à la culture pour tous et de la mixité sociale réussie dans les quartiers, on ne peut renoncer au projet A.R.V.E.J.

Pour conclure nous déplorons fortement le retrait du projet A.R.V.E.J. car pour nous c'est l'école « idéale » dans laquelle nos enfants s'épanouissent pleinement qui risque de disparaître.

Les parents d'élèves de l'école maternelle Philippe de Comines de Lille.

 

Reportage de la Voix du Nord

Lille : l’école Duruy refuse de se dissoudre dans la réforme Peillon - Lille Moulins - La Voix du Nord 18/05/2014 15:29

http://www.lavoixdunord.fr/region/lille-l-ecole-duruy-refuse-de-se-dissoudre-dans-la-ia19b57396n1832529

PUBLIÉ LE 08/01/2014 - MIS À JOUR LE 08/01/2014 À 21:05

Lille : l’école Duruy refuse de se dissoudre dans la réforme Peillon

Sébastien Bergès

À la rentrée 2014, toutes les écoles de Lille adopteront la semaine de 4,5 jours. Toutes… sauf Victor-Duruy, à Moulins. Ici, on a fait la réforme Peillon il y a plus de quinze ans. Et aujourd’hui, on s’inquiète. L’établissement, « une vitrine » selon la mairie, craint de perdre sa semaine de cours sur mesure avec l’avènement des nouveaux rythmes.

Ballet de poussettes, valse de vélos, ronde de voitures. Pères, mères, frères, soeurs et petits camarades convergent vers la sortie des classes. Scène banale, à 12 h 15, devant une école… sauf qu’on est mercredi, jour traditionnel de relâche pour les écoliers. C’est qu’à Victor-Duruy, réunion de la maternelle Philippe-de-Comines et de l’élémentaire Victor-Duruy, on n’a pas attendu Vincent Peillon pour repenser les rythmes. Ni pour inventer sa propre semaine, unique en son genre : cours tous les matins, du lundi au vendredi, avec deux après-midi entiers libérés pour le périscolaire, et encadrés par des animateurs municipaux de l’ARVEJ. Du sur mesure.

Et du sur-mesure qui marche. « Je souhaite à tous mes collègues de bénéficier d’un tel système, c’est le plus pertinent pour travailler sur le long terme avec des animateurs, et pour les enfants, cela apporte une bouffée d’oxygène deux après-midi par semaine », témoigne Véronique Couvreur, enseignante de CP et représentante du personnel du SGEN-CFDT. Durant le débat sur la réforme des rythmes scolaires, Martine Aubry elle-même ne se privait pas de citer l’expérience de Victor-Duruy. « On connaît l’impact de ce projet, qui a perduré au fil des ministres successifs, renchérit Maurice Thoré, l’adjoint au maire chargé des écoles. Dans un secteur de la ville où il y a des difficultés, ce dispositif donne des résultats, tant pour les enfants que pour les parents et les enseignants. C’est une vitrine. »

Une vitrine en péril

Mais une vitrine en péril. Duruy craint de devoir rentrer dans le rang. De voir détricoter un projet éducatif bâti pierre par pierre, année après année.

Coupable ? La réforme Peillon, qui en instituant une semaine de neuf demi-journées de classe, condamne le modèle de l’école (sept demi-journées). « Quand on a une telle qualité, pourquoi changer ? », résume Fanny, hier, en juchant Maëlou sur son vélo. « S’il faut uniformiser les écoles lilloises, il vaudrait mieux calquer toutes les autres sur Duruy ! », propose Xavier, dont la fille Rose est en petite section.

Un avis largement partagé dans le groupe scolaire. Depuis des mois, la communauté éducative sonne le tocsin. Une pétition a tourné, des lettres ouvertes ont été adressées au maire et à l’inspection académique, des enseignants se sont joints à la grève contre les nouveaux rythmes, il y a quelques jours…

Comme Xavier ou Fanny, Julien a choisi expressément Duruy pour sa fille Pauline. « On a connu l’école par le bouche à oreille, et on est venu pour le projet pédagogique », explique l’ancien Wazemmois. Fanny enfonce le clou : « Ce ne sont pas des intervenants qui sortent des jeux de société ! » Pour Julien, « sans l’ARVEJ, la mixité sociale n’existera plus dans ces classes, qui mélangent aujourd’hui des gens du quartier et de l’extérieur ».

Sur les panneaux d’affichage de l’école sont accrochés deux courriers du maire. L’un adressé aux parents, l’autre au directeur académique des services, Christian Wassenberg. Dans les deux missives, Martine Aubry assure Victor-Duruy de son soutien. Et demande à l’Éducation nationale d’accorder une dérogation à ce dispositif « qui a fait ses preuves ». La balle est maintenant dans le camp de l’inspection académique. « On a bon espoir que ça puisse continuer », confie Maurice Thoré. L’an dernier, la ville espérait aussi déroger aux neuf demi-journées de cours de la réforme Peillon. Cela n’avait pas suffi.

La direction académique n’a pas répondu à nos sollicitations.

« C’est aberrant de casser un fonctionnement pareil »

Claire Leconte, prof de psychologie de l’éducation à Lille III, experte des rythmes de l’enfant, a contribué dès l’origine à l’expérience Victor-Duruy.

Comment est née l’expérience Duruy ?

« Jacques Chirac, à la présidentielle de 1995, avait promis de réformer les rythmes scolaires. Après l’élection, une circulaire ministérielle d’octobre 1995 a proposé d’instaurer des semaines d’au moins cinq jours. À Lille, les écoles Duruy et Philippe-de-Comines se sont portées volontaires pour être pilotes. On a donc travaillé, avec Ariane Capon (adjointe au maire chargée des écoles sous Mauroy), les enseignants et l’association Les Francas, à une semaine de six jours, du lundi au samedi. Le principe était d’avoir de longues matinées, propices aux apprentissages, et de libérer trois après-midi, pris en charge par les Francas. On a beaucoup réfléchi pour ne pas faire ce qui se fait aujourd’hui, des activités occupationnelles, mais pour créer des parcours éducatifs, qui ouvrent les enfants. Et ça a duré jusqu’en 2008 et la réforme Darcos, qui a obligé à supprimer le samedi matin. » 

Qu’a apporté cette organisation ?

« Pendant trois ans, de 96 à 98, j’ai mené une évaluation de nombreuses écoles-pilotes. À Victor-Duruy, il y a eu un effet immédiat sur les comportements : l’absentéisme s’est résorbé, avec un fort taux de présence aux activités de l’après-midi ; le climat de l’école s’est amélioré, le plaisir d’apprendre entraînant moins d’agressivité ; le climat dans le quartier s’est apaisé, puisqu’on a fait découvrir aux enfants, par des sorties et des activités, qu’ils faisaient partie de ce territoire. À plus long terme, les matinées allongées ont eu un rôle positif sur les apprentissages. Qui dit plus de temps dit aussi moins de pression, les enfants pouvaient aller jusqu’au bout de leurs tâches, s’approprier mieux l’école. »

Le modèle Duruy est-il soluble dans la réforme Peillon ?

« Pas du tout. C’est une aberration. Les neuf demi-journées imposées sanctionnent les projets innovants. C’est inimaginable de casser un fonctionnement pareil dans ce quartier, un fonctionnement qui a perduré avec tous les gouvernements successifs, alors que les anciens parents vous expliquent combien leurs enfants ont bénéficié de ce dispositif. Les neuf demi-journées sont un copié-collé du décret Darcos de 2008. Où est la refondation de l’école là-dedans ? C’est du gâchis. »

 L'ARVEJ et les espaces -

Questions relatives à l’occupation des espaces  pour les parcours non scolaires

Ça se gère en direct, de toutes façons, hélas, nous sommes cruellement en manque de locaux dans cette école...Il nous faut parfois recentrer par dialogue entre adultes en cas de débordement mais cela  est presque inexistant.. On a également travaillé sur ces points ...par respect aussi de l'espace de vie partagé et on y associe les enfants qui sont eux  aussi responsables et engagés dans la gestion matérielle des lieux de vie et de travail et puis les deux directrices que sont Céline (coordinatrice des animateurs) et moi (directrice de la maternelle) sont exigeantes (certains diraient chiantes,hi,hi..) sur le rangement et le matériel ...et oui la réussite se gagne aussi par l'exigence !

La directrice de maternelle

Peu ou pas de soucis avec l'ARVEJ, parfois  très rarement sur le temps de cantine mais on le gère des que cela se rencontre...

Pour l'utilisation des espaces scolaires il n'y a rien de défini , c'est un accord entre l'enseignant et l'animateur, c'est ensemble qu’est défini où peut être entreposé le matériel, ce qui peut être mis en commun. C'est une relation adulte entre adultes responsables, rien n’est écrit à ma connaissance ! Et cela fonctionne dès lors qu’il y a un respect mutuel
 
Céline

Argumentaire des collègues de maternelle en « expérimentation » depuis 18 ans

Avec le recul de dix-sept années d’expérimentation d’un nouveau rythme scolaire, il est évident que les quatre heures matinales sont à la fois très aisément assimilables par les enfants, mais également très profitables pour les apprentissages scolaires.

En effet, avec la coupure à 10h00 pour prendre une collation, les enfants peuvent tenir sans difficulté jusqu’à 12h30 pour prendre leur repas. De plus, ils sont très concentrés le matin pour les apprentissages, d’autant plus qu’ils savent que les après-midi sont moins chargés 

quand il y a l’école, et ludiques avec les activités. Ainsi, il est aisé de les solliciter et de leur demander une concentration soutenue durant la matinée, à tel point que les résultats scolaires des enfants, même dans un quartier dit « en difficulté », sont très prometteurs.

Avec l’alternance des différents moments dans la matinée, il n’y a pas de phénomène de lassitude. De plus, grâce aux activités menées deux après-midi par semaine, les enfants sont habitués non seulement à côtoyer des personnes différentes, mais également des lieux divers. Ainsi, à chacune de nos sorties, que ce soit dans des musées, des spectacles ou des lieux de patrimoine, l’attitude des enfants est systématiquement remarquée : calmes, attentifs, intéressés, ils ne sont pas consommateurs mais bien acteurs de chacune des sorties.

Il est à noter que dans les classes des petits et des moyens, les heures de siestes nécessaires s’étalent beaucoup moins sur les heures d’école, et les enfants ont donc plus de temps de classe et de moments de sollicitation des différents adultes qui s’occupent d’eux.

La conclusion me paraît évidente : toute modification de ce rythme particulièrement bien adapté aux enfants et aux apprentissages sera perçu, par les enfants, les parents et les enseignants, comme une régression pédagogique.

Et ailleurs ?

À chaque fois qu’on interroge Monsieur le ministre sur le fait que je ne suis pas en accord avec ce qui se fait actuellement, la seule réponse que j’ai entendue de lui est : « il y a des divergences entre les chronobiologistes » ! Je me suis expliquée à ce propos dans la tribune parue le 26 mai sur Médiapart.

Alors donc suis-je vraiment la seule à dire qu’une organisation telle que celle que je défends répond parfaitement aux besoins des enfants ?

Et bien non figurez-vous, mais comme notre société se marque par un oubli systématique de ce qui s’est fait précédemment, j’ai parfois l’impression que même les experts actuels du ministre, qu’on me compare quand on dit qu’il y a divergence, ont aussi oublié ce qu’ils ont eux-même écrit !

Voici donc tiré d’une monographie, une évaluation d’un groupe scolaire de Bourges, réalisée par ….. Monsieur François Testu et son équipe !

L’aménagement du temps des enfants

Académie : Orléans-Tours

Département : Cher

École : maternelles et primaires  - Bourges

Rédacteur(s) : René Clarisse, Baptiste Janvier, François Testu

Cette semaine est organisée sur la base de 24 heures d’enseignement et de 4 heures d’activités périscolaires. Elle est conçue comme un aménagement global, avec une articulation entre le temps scolaire et périscolaire. Il ne s’agit pas de découper le temps de l’enfant en différents moments mis côte à côte, mais bien d’enrichir le temps de l’enfant d’apports complémentaires et cohérents. Le mercredi après-midi et la journée du samedi restent du temps à la disposition de l’enfant. Les dispositifs d’accompagnement scolaire trouvent leur place après 16 heures.

Le choix des après-midi d’enseignement et d’activités varient selon les groupes scolaires (soit le lundi et le jeudi, soit le mardi et le vendredi), mais doivent être présents tous les deux et satisfaire à une alternance. Par ailleurs, ils restent fixes pour toute une année scolaire.

L’organisation de la semaine est la même qu’à Lille, 5 matinées de 4 heures, deux après-midi de deux heures d’enseignement et deux après-midi de deux heures de parcours d’activités.

EFFETS DE L’ACTION

Bilans d’étape

L’évaluation a été continue sur les trois années d’application du dispositif (1996 à 1998). Lors des différents bilans d’étape réalisés avec les enseignants, les intervenants et les parents, il a été souligné la très forte participation des enfants à l’école primaire (98 % de l’effectif), alors que ces activités ne sont pas obligatoires. Une impression de satisfaction générale se dégage à l’issue de ces trois années, notamment en terme d’acquisitions nouvelles chez les enfants (amélioration de langage et du vocabulaire).

EVALUATION EXTERNE

II est constaté que la rythmicité journalière classique, témoin d’une bonne adéquation entre l’aménagement du temps scolaire et les rythmes de l’enfant, se met plus rapidement en place chez les élèves du site expérimental. Elle est nettement présente au C.M.1 et au C.M.2. Il est mentionné, dans un site comme dans l’autre, qu’aucun profil inversé, caractéristique d’un mauvais choix d’aménagement, n’est présent.

Après un an de mise en place de l’aménagement expérimental de la Chancellerie, la rythmicité comportementale journalière des élèves témoigne d’une bonne adaptation à l’emploi du temps proposé, rythmicité qui se met progressivement en place entre la grande section de maternelle et le cours moyen seconde année. Pour les enfants de 10 – 11 ans de la Chancellerie, non seulement le niveau 

d’écoute est supérieur à celui du site témoin, mais, en plus, le profil « classique », témoin d’une adéquation entre l’aménagement du temps et les rythmes de vie de l’enfant est présent. Le même constat ne peut pas être effectué pour les élèves du même âge du site témoin. Là encore, avec un nouvel indicateur, les conséquences positives de l’aménagement choisi pour la Z.E.P. de la Chancellerie sont perçues.

L’aménagement mis en place à la Chancellerie est adapté aux rythmes de vie des enfants et favorise leur développement psychologique et physique.

Il n’existe pas, ou peu, de phénomène de désynchronisation rythmique, suite au congé de fin de semaine, comme cela est encore trop souvent observé chez des élèves de Z.E.P. d’autres villes.

L’aménagement mis en place à la Chancellerie favorise les apprentissages.

Dans les classes de la Chancellerie, les enfants de maternelle et du premier cycle du premier cycle du primaire présentent des comportements plus stables que ceux du Val d’Auron, après un an seulement d’application de l’emploi du temps expérimental. On constate alors, malgré les âges différents des grandes sections de maternelle, du C.E.1 et du C.M.2, une très grande constance de l’indice comportemental. Il semblerait donc que l’aménagement du type "chancellerie " ait un effet régulateur sur les comportements scolaire, sur les attitudes d’écoute et d’attention soutenue, effet qui se traduirait par une plus grande efficacité dans les apprentissages.

L’aménagement mis en place favorise l’intégration.

Il est constaté qu’après une première année d’expérimentation où les taux d’écoute audiovisuelle étaient plus élevés chez les enfants de la Chancellerie, quel que soit leur âge, la deuxième année, les activités autres que la télévision, prennent de plus en plus de place, ce qui conduit à une meilleure intégration.

Il apparaît que le type d’aménagement du temps choisi par les écoles du quartier de la Chancellerie favorise l’épanouissement physique et psychique des enfants de 3 à 11 ans. Cet effet bénéfique pourrait être renforcé en modulant, en fonction de l’âge, l’heure de rentrée en classe le matin, ce qui est prévu pour l’année scolaire 1999-2000.

Monsieur le ministre, comment allez-vous pouvoir continuer à argumenter contre moi que les « chronobiologistes ne sont pas tous d’accord entre eux » ???